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Dans l’Albanais à la Belle Époque
Vivre à la Belle Époque
Souvenirs épars de la vie d’autrefois
« Les garçons comme les filles portaient des robes jusqu’à ce qu’ils soient propres.
Le dimanche c’était le jour du Seigneur. Ma tante et ma grand-mère sortaient leur robe noire et leurs bijoux pour assister à la messe. Grand-père et mes oncles portaient quant à eux toujours le même costume et leur chapeau aussi. L’hiver à la veillée nous étions nombreux, nous triions les noix, les fruits, les pommes de terre qu’on vendait à des ambulants qui passaient chaque semaine devant la maison. Avec l’argent gagné on achetait des vivres, du savon, l’alcool à brûler pour la lampe et le petit réchaud.
La vie était simple, un rien nous faisait plaisir, malgré le manque de confort, il y avait beaucoup d’affection, de tendresse ».¹
Des modes venues de la ville
Le goût pour la petite reine, une certaine recherche dans la mise et l’allure. Les hommes ont très tôt abandonné les costumes traditionnels.
Harmonies, fanfares, et sapeurs-pompiers
Avant la Grande Guerre, il existait des fanfares importantes à Albens ou à La Biolle. Dans cette commune, la fanfare reprit de l’importance après 1925 grâce à l’énergique activité du curé Mermoz qui animait d’une main de maître la fanfare « La Gaîté ».
Des corps de pompiers existaient aussi dans les diverses communes du canton. Ils n’hésitaient pas à conjuguer leurs efforts au moment d’un sinistre important. L’incendie qui détruisit, le 14 juillet 1913, une partie des maisons qui bordent la place publique de Saint-Félix ne fut circonscrit que grâce aux efforts des pompes de Saint-Félix, d’Alby, d’Héry, de Saint-Girod, d’Albens et de Bloye.
Le temps des grands repas
L’arrivée de la batteuse était un moment important de la vie paysanne. Elle signifiait à la collectivité villageoise la récompense du long travail commencé l’année d’avant.
Mobilisant toutes les générations, elle donnait lieu à d’importants rassemblements où « pendant plusieurs jours, dans un travail collectif, on vivait dans la poussière et les débris végétaux ».²
Tout comme les hommes autour de la machine, les femmes s’activaient autour des fourneaux. Une véritable compétition gastronomique s’ouvrait alors pour faire de ces repas de véritables banquets plus que copieux : « Le repas, prévu depuis longtemps par la maîtresse de maison, selon des règles immuables, réunissait autour d’une table souvent montée avec des tréteaux et des planches accompagnées de bancs, tous ces ouvriers d’un jour.
Le service était certes, simple, mais correct, la réputation de chacun étant en jeu… Le rouleau salé de porc, fleuron de l’art culinaire de ces agapes, servi en entrée, était suivi de légumes de saison, de viandes et de fromages. Le tout, bien évidemment, très arrosé de vin rouge provenant des vignes que chaque petit propriétaire cultivait soigneusement, plutôt que ce vin de marchand cher et trop alcoolisé qui coupait les forces ».³
Une fête de la batteuse perpétue chaque été à Saint-Ours le souvenir de ces réunions paysannes estivales.
Les nuées de la guerre
Être conscrit
La conscription remonte à la Révolution Française avec l’institution du service militaire.
Au XIXe siècle, elle donne lieu dans les campagnes à une véritable cérémonie de la part du contingent annuel de jeunes appelés qui s’emploient à « faire les conscrits ». « Les conscrits de l’année se réunissaient généralement le dimanche précédant le jour du conseil de révision, avec ceux de l’année suivante pour leur remettre le « crochon », c’est-à-dire les préparer à accomplir un acte de la vie que leurs aînés étaient en train de vivre. Ce rite était identique, dans l’esprit tout au moins, à la remise du « crochon » lors des mariages. Un banquet clôturait cette journée ».⁴
Le jour du conseil de révision, les conscrits portaient leurs habits du dimanche. Il était très mal vu d’être réformé ; faire son service était un devoir mais aussi un honneur.
À l’issue du conseil, les conscrits du village se regroupaient souvent avec ceux des communes voisines pour partir faire une tournée. Ils arboraient alors toute une décoration chamarrée de cocardes, rubans ou ceintures.
Les Albanais dans la guerre
Ils partiront nombreux à la guerre de 1914-1918. Ceux qui survivront, en garderont d’amers souvenirs : « nous avons passé de sales moments, raconte L. Perroud en 1980, surtout au « chemin des Dames » et à Reims. On a perdu des troupes et du matériel, au « chemin des Dames », nous n’étions pas nombreux en ligne. Nous étions installés sur une crête. Nous sommes restés un mois en ligne sans que personne ne nous relève… Une fois, dans l’Aisne, nous sommes restés quatre jours sans manger, le ravitaillement n’arrivant pas. »⁵
Ceux qui en revinrent ont pu se rattraper lors du banquet donné en leur honneur, le 5 octobre 1919 à Albens. Ils retrouvaient un monde bien changé : celui du XXe siècle.
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¹ D’après les souvenirs de Rolande Ray.
² Henri Blanc. Moisson de souvenirs : La batteuse. Le Dauphiné.
³ La batteuse. Les amis du vieux Rumilly. N° 8. 1990.
⁴ M. Germain. La Haute-Savoie Autrefois. Ed. Horvath.
⁵ Louis Perroud raconte la Grande Guerre. Kronos ° 1.