La manière d’habiller les garçons balise le temps qui les fait passer de « petit garçon modèle » à celui de « grand garçon » avant d’être considéré comme un « jeune homme », le terme d’adolescent n’étant pas encore couramment utilisé.
La barboteuse est alors le vêtement le plus courant pour tout garçon en bas âge. Constituée d’une culotte ample et bouffante et d’un plastron tenu par des bretelles,
elle est bien adaptée au changement des couches grâce à un boutonnage à l’entrejambe. Sur les photographies de ces années, on porte très souvent la barboteuse en popeline pour l’été, tricotée en laine pour l’hiver.
La France des années « baby boom » est le pays d’Europe où la barboteuse a été la plus portée par les petits garçons, parfois jusqu’à l’âge de 6 ou 7 ans. Elle peut devenir un vêtement très habillé qu’accompagnent un gilet et une charmante casquette. Mais elle est surtout un vêtement tellement populaire et si facile à tricoter que les magasines de mode des années 50 proposent régulièrement des patrons à réaliser et à adapter. La revue « Modes et Travaux » dans un numéro de l’année 1952 présente dans une rubrique intitulée « Pour affronter l’hiver » des modèles de brassière, barboteuse, paletot réversible et bonnet.
Mère de famille ou grand-mère, toutes les femmes tricotent alors à tour d’aiguilles. C’est ce que l’on peut lire sous la plume de Barjavel, dans un roman de 1948 : « mais pour se rendre utile jusqu’à la dernière minute, elle tricotait, tricotait, tricotait des brassières et des barboteuses, des bleues pour les garçons et des roses pour les filles ».
Si l’on porte la barboteuse dans sa jeune enfance, à partir de l’entrée à l’école c’est la culotte courte qui devient la tenue requise et plus ou moins souhaitée. En effet, elle marque l’entrée dans le monde des « kids », de ceux qui n’ont pas peur d’avoir les genoux « couronnés », ne craignent pas de quitter les jupes de maman pour se lancer dans de folles aventures avec les copains.
Dans le même temps, ce n’est pas un choix mais une obligation imposée par les mamans. Certains se souviennent : « Notre mère nous mettait en culottes courtes tous les jours de l’année sans exception, car de toutes façons il n’y avait rien d’autre dans les armoires ». En hiver, pour se protéger du froid on enfilait de longues chaussettes de laine qui montaient en dessous des genoux. En été, les culottes en velours cédaient la place à celles en coton ou en popeline avec de petites socquettes blanches dans nos sandales ou nos chaussures basses. Cette tenue nous rendait libres de nos mouvements mais nous exposait aussi aux corrections qui ne manquaient pas de s’abattre sur nos cuisses dénudées. Le martinet était alors un instrument que l’on redoutait mais dont les adultes justifiaient l’usage au prétexte d’éducation (il fallait bien nous voir grandir dans le droit chemin). La mentalité du « qui aime bien châtie bien » n’était pas encore remise en cause.
Pour les jeux, le port des culottes courtes facilitait les mouvements tout en exposant nos genoux à tous les incidents, chutes à bicyclette et autres écorchures. On ne comptait plus les bleus sur les tibias ni les plaies diverses et variées qui étaient soignées au Mercurochrome. À la longue le rouge s’effaçait, les croûtes tombaient laissant des cicatrices, véritables marques de nos exploits ou de nos maladresses.
L’accès au costume avec un pantalon long marque l’entrée dans l’adolescence. Il se fait à l’occasion de la communion solennelle, moment religieux mais aussi véritable rite de passage. Si les jeunes filles doivent porter une robe blanche, les jeunes hommes sont habillés comme des adultes.
La tenue comprend une veste et un pantalon de couleur sombre ainsi qu’une chemise blanche dont le col est fermé par une cravate. N’oublions pas, symbolique religieuse oblige, le brassard blanc. Le costume a fait l’objet d’une visite chez le tailleur local ou dans la boutique de vêtement la plus proche. Des témoins se souviennent bien de l’achat de leur costume à Albens auprès des établissements Jacquet.
Cette dépense indispensable devient ensuite le « costume du dimanche » que le jeune homme va porter dans toutes les occasions importantes, fêtes familiales et cérémonies jusqu’à ce que, devenu trop étroit et trop court, il passe sur les épaules du reste de la fratrie. Avec ce premier costume de communiant c’est le temps de l’enfance que l’on quitte. D’autres costumes vont ensuite marquer d’autres étapes importantes, celle du conseil de révision puis celle des noces. Mais c’est une autre histoire que peuvent nous raconter aujourd’hui les boîtes de photographies et parfois même les armoires familiales.
Jean-Louis Hebrard