De nombreux exploits sont accomplis durant les années 50, sur les océans, dans les altitudes extrêmes, dans les profondeurs sous-marines, dans les airs et l’espace. Des hommes et des femmes s’illustrent alors dont les noms sonnent encore à nos mémoires.
La presse, la radio, l’édition nous font connaître leurs exploits. Ils sont suisses, britanniques, français ou norvégiens et tout simplement extraordinaires. À ces héros bien réels se rajoutent tous ceux que la presse enfantine propose : aviateur à la Buck Dany, trappeur à la Davy Crockett, anti-héros sans emploi à la Gaston Lagaffe.
Avec l’apparition du Livre de Poche en février 1953, c’est le monde de l’exploration qui fait irruption dans notre quotidien. Leurs couvertures illustrées, leurs tranches de couleurs vives (petite réclame intégrée au livre) captent l’attention des jeunes et moins jeunes lecteurs. D’un simple coup d’œil, il devient possible de s’embarquer sur un radeau à travers le Pacifique et de tenir la barre avec le norvégien Thor Heyerdahl comme nous y invite la photographie du Poche intitulé « L’expédition du Kon-Tiki ».
Le livre de Poche, dont un exemplaire sort chaque semaine, va très vite se démultiplier en sous-séries spécialisées, notamment celle qui va publier « les récits d’exploration, d’aventures et de voyages les plus originaux et les plus passionnants ». Cette dernière vise à entraîner le lecteur « dans des découvertes surprenantes : fonds sous-marins, ou grottes préhistoriques, sommets enneigés ou volcans, déserts de glace ou de sable ». Les titres annoncés vont contribuer à une connaissance plus exacte du monde et de ses habitants à une époque où l’on commence seulement à partir en vacances au bord de la mer en France ou chez nos voisins européens. Aussi est-ce un véritable dépaysement que de pouvoir devenir « Naufragé volontaire » avec Alain Bompard, de se lancer dans « L’expédition Orénoque-Amazone » à la suite d’Alain Gheerbrant ou de vivre la « Victoire sur l’Everest » aux côtés d’Edmund Hillary et de son compagnon népalais Tensing.
Dans la même collection, le livre de Jacques-Yves Cousteau et Frédéric Dumas attire le regard avec sa belle couverture montrant des plongeurs munis de porte-flash, s’enfonçant calmement dans les profondeurs du « Monde du silence ».
Après le livre, le commandant Cousteau tourne avec Louis Malle un film qui sort en salle en 1956 et obtient la même année la palme d’or au festival de Cannes. Jacques-Yves Cousteau à bord de son navire océanographique la Calypso devient alors le principal héros de l’aventure des grandes profondeurs. Les magnifiques images qu’il nous livre sur l’univers sous-marin transforment peu à peu les simples baigneurs en plongeurs impatients de partager les mêmes découvertes.
Dans le domaine aérien, c’est une française qui s’illustre dès 1951 en décrochant le record du monde féminin de vitesse en volant à plus de 755 km/h. Belle-fille du président de la république, Jacqueline Auriol va enchaîner les exploits dans son duel avec l’aviatrice américaine Jacqueline Cochran en volant de plus en plus vite jusqu’à atteindre des vitesses supersoniques.
Les belles histoires de l’Oncle Paul que publie le journal Spirou, mettent en valeur le courage et l’intrépidité de cette aviatrice. Avant de parler de ses exploits, le conteur rappelle son terrible accident à bord d’un avion amphibie qui l’immobilisa plus d’une année à l’hôpital où elle dut subir près de trente opérations avant de reprendre les commandes d’un avion. Les journaux destinés à la jeunesse proposent surtout des héros de papier dont certains s’inscrivent dans le contexte des guerres récentes, d’autres qui traversent toute l’Histoire du monde et quelques-uns qui préfigurent l’entrée dans la société de consommation et de loisirs.
Voici d’abord Timour dont les aventures sortent en 1953 dans le journal de Spirou. Max Mayeu dit Sirius et Xavier Snoeck sont les créateurs de ce héros aux cheveux roux qui va vivre à travers l’histoire de sa famille plus de vingt siècles de l’histoire de l’humanité.
Les jeunes lecteurs sont rapidement conquis par ces « Images de l’Histoire du Monde » remarquablement documentées qui vont les faire passer de la préhistoire à Babylone, à l’Egypte des pharaons puis à Carthage et Rome avec deux épisodes aux titres plein de mystères : Le fils du centurion et Le gladiateur masqué. Le Moyen-âge confronte ensuite Timour aux Vikings, aux Arabes en Espagne et à bien d’autres adversaires. Le héros privilégie l’amitié comme il l’affirme à la fin du premier épisode en gravant sur un talisman « deux mains jointes qui sont le signe de l’amitié et d’autres qui se tendent ». Une pierre, lit-on dans la dernière image, qui « revient au fils de Timour qui la transmettra à ses enfants et aux enfants de ses enfants. Ainsi ils n’oublieront jamais… ».
Un autre héros, aviateur et américain, entraîne le jeune lecteur dans la guerre du Pacifique puis dans les tensions de la Guerre froide. Buck Dany est un pilote moderne, maîtrisant la technologie, la vitesse, défendant le bien face aux forces du mal. Derrière des planches documentées et précises sur les multiples modèles d’avions, de fusées, de navires de guerre, on trouve en filigrane le conflit idéologique qui traverse les années50.
Buck Dany, le facétieux Sonny Tuckson, et le calme Tumbler aux allures de vedettes de cinéma vont être mis sur la touche par un nouveau venu aux espadrilles échancrées, à l’allure trainante et à la philosophie « cool » bientôt promu à une future célébrité : Gaston Lagaffe.
Ce dernier, entré par effraction dans l’univers de la bande dessinée va devenir une vedette emblématique de toute une génération qui se retrouvera parfaitement dans les aventures de ce perturbateur patenté.
Jean-Louis Hebrard