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Visite en plein air « Sur les traces d’une tuilerie disparue »

Samedi 4 juillet 2015 :
L’association Kronos en partenariat avec le musée de Rumilly vous invite à la découverte d’un patrimoine exceptionnel aux portes de Rumilly : l’ancienne tuilerie Poncini à Albens. Des marais de Braille jusqu’aux établissements Poncini… une seule et même histoire. Découvrons sur place les vestiges de cette industrie !

Visite en plein air. Samedi 4 juillet 2015. RDV à l’étang de la Bottière, route de Braille (dépôt pétrolier) à 14h30. Parcours dans le village.

Tout public. Gratuit. Durée : 1h
Renseignements et réservations au 04 50 64 64 18 / contact@musee-rumilly74.fr

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La tuilerie Poncini – Ébauche d’histoire pour une entreprise disparue

Jeudi 2 juillet 2015 :
Dans le cadre de l’exposition « À la table de nos ancêtres », le musée de Rumilly en partenariat avec Kronos vous propose de porter un nouveau regard : au delà de la poterie utilitaire, l’usage de l’argile dans l’architecture local.

Soutenue par une centaine de diapositives, cette conférence relate la création, l’essor puis le déclin d’une entreprise qui compta dans la vie d’Albens et des communes environnantes.
Des années 1870 à la destruction de la tuilerie en 1964, c’est la vie d’une usine, de ses ouvriers et de ses patrons qui est abordée à travers un corpus de documents jusque là peu connus.
Présentée par Jean-Louis Hébrard le jeudi 2 juillet à 18h30 au musée de Rumilly.

Tout public. Gratuit. Durée : 1h
Renseignements et réservations au 04 50 64 64 18 / contact@musee-rumilly74.fr

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Causerie à Albens le samedi 30 mai 2015

Pour celles et ceux qui ont raté la causerie de février dernier, Henri Billiez parlera à nouveau de l’ennoblissement textile et de graveur sur bois, à l’office de tourisme d’Albens, le samedi 30 mai à 15h.

Pour un petit groupe de personnes, Clubs ou Associations, le conteur évoquera l’évolution de l’impression sur étoffe ou sur soie. Les souvenirs professionnels d’un ancien graveur sur bois et la présentation de sa « boîte à gouges » et de planches de bois gravées illustreront ce métier aujourd’hui bien oublié.
Une évocation qui incitera à visiter les musées de notre région Rhône-Alpes au passé si riche de ces activités de tissage et d’impression.

La durée est d’une heure environ, autour d’une tasse de thé, d’un verre de cidre, avec des biscuits !

La ligne de chemin de fer historique d’Aix-les-Bains à Annecy

Sur les routes…

Au début du XIX° siècle, le réseau routier de Savoie se limitait à l’axe Genève – Annecy – Aix – Chambéry – Saint Jean de Maurienne – Mont-Cenis – Turin, duquel se détachaient la route vers Moutiers – Le Petit Saint Bernard – Aoste – Milan ainsi que celles de Montmélian à Grenoble, de Chambéry à Lyon par les Échelles et du Col du Chat à Saint-Genix (Lyon) et à Belley (Bourg, Paris).
On y circulait à pied, seul mode de transport pour la majorité des gens du peuple, très pauvres. Pour acheminer du courrier ou des voyageurs plus fortunés, des services de diligences étaient en place sur certains itinéraires tels que Chambéry à Turin et Chambéry à Genève.

diligence

Aux relais de poste, distants de 15 à 30 kilomètres les uns des autres, parfois moins, on échangeait les chevaux. Mognard comptait un relais, bâtiment toujours occupé sur la route vers Saint Girod.
Pour l’entretien des routes, les populations de nos communes étaient soumises à des corvées. Une délibération du Conseil Municipal de La Biolle, au XIX°siècle, fait état des griefs que l’on avait contre les gens d’Albens qui, affirmait-on, ne faisaient pas autant de corvées que les Biollans.
La circulation sur les routes était précaire, parfois dangereuse. Les véhicules s’embourbaient dans les ornières et ravinements, ou cassaient leurs essieux. La situation était bien plus grave sur les petits chemins qui desservaient nos villages, hors des grands axes.
Vers 1837, un nouvel itinéraire vers Lyon fut ouvert, grâce à la création d’un service de bateaux à vapeur sur le Lac du Bourget, le Canal de Savières et le Rhône. On embarquait au Bourget du Lac ou à Port Puer à Aix.
En 1851, gagner Paris nécessitait 38 heures au minimum, 11 heures pour Lyon et 28 pour Turin.

Les chemins de fer

L’avènement du chemin de fer, véritable instrument de la révolution industrielle, bouleversait alors les communications en Europe. Né en Grande-Bretagne, au début du siècle, celui-ci étendait ses ramifications en France, voisine de la Savoie, depuis 1827 (Saint Étienne à Andrézieux sur la Loire).
La monarchie Sarde avait pour ambition, elle aussi, de doter le royaume de ce nouveau moyen de locomotion et l’idée progressait dans les milieux politiques et financiers. Relier la Savoie aux autres provinces sardes était une préoccupation que Cavour avait exprimée dès 1839. L’idée de franchir les Alpes par un tunnel, due à Joseph Médail, sera entreprise par Sommeiller aidé de Grandis et Grattoni a partir de 1857.
En Savoie, le Conseil Divisionnaire de Chambéry, dès 1849, exprimait le souhait que soient percées les Alpes mais aussi que soient étudiés des projets de liaisons ferroviaires vers la France et la Suisse. Ce vœu confirmé en 1850 et 1851 se précisera en 1852 par la demande d’une liaison directe de Chambéry à Lyon sous l’Épine. Pour la destination de Genève on songeait naturellement à passer par Aix et Annecy. En 1853, le programme général des lignes ferroviaires est exposé au parlement de Turin par Paléocapa, Ministre des travaux publics. La loi du 29 Mai 1853 entérine alors le projet présenté par le banquier Laffite de création du chemin de fer Victor Emmanuel de Modane à Chambéry et à Saint Genix d’Aoste, et de Chambéry à Aix – Albens – Annecy et Genève, plutôt que par le tunnel de l’Épine. La priorité sera finalement donnée à une liaison se dirigeant depuis le chemin de fer français par Culoz (ligne de Lyon à Genève), au lieu de passer par Saint Genix. Des raisons économiques et stratégiques en furent la cause. Réalisée dès le 2 Septembre 1855, cette liaison sera en effet utilisée fin avril 1859 pour l’acheminement des troupes françaises de Napoléon III, allié du Piémont, pour la reconquête de la Lombardie aux Autrichiens, après les accords de Plombières.

CieVictorEmmanuel

Après l’annexion de la Savoie, la France dotera d’un régime administratif particulier la ligne de l’ex-compagnie Victor Emmanuel, de Culoz à la frontière italienne (Réseau du Rhône au Mont-Cenis exploité par le P.L.M. (1)) et poursuivra les travaux jusqu’à Modane tout en continuant le forage du tunnel du Fréjus réalisé en 1870 et mis en service l’année suivante.

D’Aix a Annecy

La jonction d’Aix à Annecy va être étudiée sérieusement et l’infrastructure générale reconsidérée. À cette époque, le chemin de fer venant de Chambéry passait le long du lac du Bourget depuis Terre-Nue, sur l’emplacement de la route actuelle. Une gare était située au hameau de Choudy (le bâtiment existe toujours). De là, un rebroussement permettait d’atteindre une station terminus située près de l’actuelle place Clémenceau.

GareAix

À partir de 1860, le tracé de la ligne depuis Voglans est dévié par le Viviers abandonnant les bords du lac. Une nouvelle gare est construite à Aix sur son emplacement actuel et de là s’embranche la ligne vers Annecy.
En 1853, le projet primitif faisait bifurquer cette ligne depuis Savigny (La Biolle) vers Chambéraz-Saint Girod et un point de franchissement du Chéran entre Marigny et Alby. Il est surprenant d’observer que ce tracé sera, 125 ans plus tard, celui retenu pour « l’autoroute AREA », jusqu’au delà d’Annecy.
En fin de compte, le P.L.M. chargé de la réalisation de la voie ferrée adoptera le tracé par Albens et Rumilly, plus long mais desservant mieux les localités importantes.

GareAlbens

En 1864, La Biolle s’étant émue de ne pas être desservie par le rail, une délibération sera prise par le Conseil Municipal, suggérant la création d’un point d’arrêt vers Pont Combet ou les Sauvages. Il semble bien que cette requête ne fit jamais l’objet d’aucune étude.
En 1865, les communes de Bloye, Cessens, Massingy et Marigny-Saint Marcel demandèrent, par l’intermédiaire de Maître Laracine, avocat à la cour impériale de Chambéry, qu’une station soit ouverte à Bloye afin de mieux desservir cette partie de l’Albanais. Un point de vente de billets fut aménagé dans le passage à niveau mais la gare ne sera véritablement réalisée qu’entre 1924 et 1926. Elle est aujourd’hui fermée.
Les tractations de l’administration avec les propriétaires locaux ne soulevèrent que peu de remous pour l’acquisition des terrains nécessaires à la construction du chemin de fer. Toutefois, certains accords, par la suite, se révéleront assez fragiles. De nombreux litiges entre des particuliers de La Biolle et Albens et les constructeurs furent arbitrés par le Préfet de la Savoie : foin perdu ou prés privés de l’eau d’arrosage par suite de détournement de ruisseaux, eaux détournées et perdues à La Biolle par suite du creusement du tunnel des Sauvages, enrochement non réalisé dans la Deysse déviée, ou clôtures brisées, etc… Le plus tenace dans ses réclamations fut certainement le Maire de La Biolle, Monsieur Filliard pour des terrains qu’il possédait à Albens. Il poursuivit ses requêtes pendant de nombreuses années et obtint partiellement gain de cause.

CasquettePLM

Ouverture de la ligne

Tous les terrains entre Aix et Annecy furent acquis pour permettre la pose éventuelle d’une deuxième voie, jamais réalisée. Les expropriations portèrent en fin de compte sur 16 hectares à Albens, 1 hectare 25 à Mognard, 3 hectares 98 ares à La Biolle et 10 hectares et 74 ares à Grésy sur Aix pour un prix moyen d’environ 11 000 Francs de l’époque à l’hectare.

GareRumilly

Un soin tout particulier fut pris pour la réalisation des maisonnettes de gardes-barrières et des gares mais aussi des édicules baptisés « lieux d’aisance ». Ces derniers étaient indispensables, les voitures à voyageurs de l’époque étant dépourvues de WC !
Le 13 Juin 1866, le Directeur Général des Ponts et Chaussées et des chemins de Fer, Conseiller d’État, M. de Franqueville, devait autoriser, après enquête, la circulation officielle des trains sur tous les ponts métalliques de la ligne. Le même jour, le Ministre des Travaux Publics autorisait la mise en exploitation de la ligne par le P.L.M. Celle-ci était terminée depuis près d’un an, seul manquait le tronçon du Thiou à la gare d’Annecy, non réalisé pour de sombres raisons administratives, semble-t-il. Le Conseil Général de la Savoie s’en émut et une délibération soumise au Préfet pour demander l’ouverture rapide de la ligne. Celle-ci ne provoqua aucune manifestation de liesse populaire.

Autres travaux réalisés

Un petit bâtiment annexe fut construit contre la gare d’Albens en 1902 pour servir de bureau, la cour des marchandises agrandie en 1909, un quai pour le chargement des bestiaux réalisé en 1912. L’éclairage électrique et la pose d’une marquise occupèrent l’année 1920, tandis que vers 1932 deux petites plaques tournantes étaient supprimées.
À La Biolle, le tunnel des Sauvages fut abandonné dès 1973 pour un tracé nouveau le long de la Deysse, à l’air libre.
Dès le début, la ligne fut exploitée par les locomotives et voitures fournies par le P.L.M. Jamais, semble-t-il, les locomotives de la compagnie Victor Emmanuel n’eurent à parcourir Aix-Annecy. Les locomotives à vapeur appartenaient au dépôt de Chambéry.
Les voitures en bois, à deux essieux, offraient un confort très rudimentaire. L’éclairage au pétrole ne donnait qu’une faible clarté dans les compartiments étroits, auxquels on accédait par des portières latérales disposées tout le long de la voiture. Le chauffage, l’hiver, devait être assuré, comme sur bien d’autres lignes, par des bouillottes d’eau chaude glissées sous les pieds des voyageurs, en période très froide.

LocoVapeurPLM

L’expansion du trafic ne se fit qu’après le prolongement vers La Roche sur Foron (1884) et Annemasse, et de La Roche sur Foron à Cluses (1890) et à Saint Gervais Le Fayet (1898). En 1901, la ligne d’Annecy à Albertville était elle aussi réalisée (ligne aujourd’hui fermée et transformée partiellement en piste cyclable).

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Une renommée internationale

Les guerres n’ont pas vraiment marqué profondément la section de ligne d’Aix à Annecy. La seconde guerre mondiale ne provoquera que des actions occasionnelles sur la voie de la part de le Résistance. Mais en 1940, pour éviter une invasion allemande venue par la Haute-Savoie, on déposera l’aiguillage d’entrée de la gare d’Albens, vite rétabli. Plus concentrés en Haute-Savoie, les maquis réalisèrent là-bas de nombreux coups de main sur les installations ferroviaires.

GareAnnecy

Les années 1949/50 par contre, apportèrent à la voie ferrée d’Aix à Annecy une renommée qui figure aujourd’hui dans bien des ouvrages et traités sur l’histoire des chemins de fer. C’est sur ce parcours, en effet, que furent réalisées des expériences historiques. Elles sont dues à la clairvoyance d’un Savoyard, Louis Armand (1905-1971), natif de Cruseilles, Polytechnicien, Académicien, grand Patron de la S.N.C.F. pendant de nombreuses années. Cette aventure mérite d’être contée.

LouisArmand

En 1943, Louis Armand, ingénieur en chef à la S.N.C.F. mais aussi membre dirigeant de Résistance-Fer, réunissait quelques spécialistes pour envisager les électrifications de lignes de chemins de fer à réaliser après la guerre. Au cours de cette réunion est évoquée l’utilisation du courant alternatif en fréquence industrielle, celui que produisent les centrales électriques. Dans les systèmes alors en vigueur, on transforme ou redresse le courant dans des sous-stations placées le long de la voie alimentées par des lignes à haute tension spéciales, pour l’utiliser sur les locomotives. Pour vérifier l’intérêt présumé de l’électrification en courant industriel, Louis Armand favorisa en 1945 l’envoi d’une mission française dans le Pays de Bade, alors en zone d’occupation française en Allemagne. Là, au Hôllental, les allemands avaient électrifié avant la guerre une ligne de montagne, en courant industriel. La complexité des moteurs des locomotives utilisées avait fait conclure au peu d’intérêt économique du système. La mission française tira des conclusions différentes à partir des essais effectués à l’aide d’une locomotive et d’une automotrice construites spécialement sur place. Pour vérifier le bien fondé de la formule il fut décidé d’électrifier selon ce type de courant une ligne française. Ce fut Aix-Annecy. Les travaux débutèrent fin 1949. À l’automne 1950, la première locomotive expérimentale, construite en Suisse arrivait à Chambéry : la CC605l. Elle est aujourd’hui restaurée dans sa couleur grise d’origine et préservée sous la rotonde SNCF de Chambéry par l’association APMFS.

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Dès 1952, d’autres locomotives et automotrices seront construites, expérimentant des formules techniques différentes et sillonneront la ligne pendant des années.
La somme d’informations recueillies est considérable après ces essais concluants et un nouveau système d’électrification des chemins de fer était né, sûr, économique et d’avant-garde. La S.N.C.F. va alors l’appliquer sur sa ligne du Nord-Est, de Valenciennes à Thionville, au très important trafic de charbon et minerai de fer, puis étendra progressivement ce système à d’autres lignes. Le monde entier se tournera vers ce type d électrification : URSS, Chine, Inde etc…
Les lignes T.G.V. elles-mêmes sont électrifiées selon ce type de courant dont les essais réussis entre Aix et Annecy au début des années cinquante ont montré l’étonnante fiabilité. Le chemin de fer devenait ainsi un client comme un autre d’E.D.F. Pour cela, il aura fallu régler le problème des moteurs des locomotives utilisables sous ce courant.
Les années ont passé. Les amateurs d’archéologie industrielle (en l’occurrence ferroviaire) n’ont plus aucune chance de retrouver trace des locomotives ou automotrices de ces essais extraordinaires : elles ont été ferraillées, sauf celle préservée à Chambéry.

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La ligne elle même a été modernisée par l’application d’un système de signalisation pour la circulation des trains (bloc automatique de voie unique télécommandé depuis Chambéry). Les bâtiments anciens qui abritaient les locomotives ont été détruits (Aix, Annecy) ou vont l’être bientôt (Annemasse).
Les amateurs de chemin de fer, aujourd’hui, conservent précieusement les clichés inédits de telle ou telle locomotive des essais de Savoie.
Bientôt il ne restera de cette époque qu’ une importante littérature. Les uns après les autres, les hommes qui ont connu cette période disparaissent. Au cours de celle-ci, grâce à Louis Armand notamment, une très grande technologie nouvelle a pris son essor dans l’Albanais, entre Aix, Annecy, et La Roche sur Foron.

Henri BILLIEZ

Article initialement paru dans Kronos N° 4, 1989
Mis à jour en janvier 2016

Bibliographie sommaire

– Cahiers d’Histoire – La Savoie – Tome V – J. Lovie 1960 Faculté des Lettres de Lyon
– Le chemin de Fer en Savoie – 1854/1914 – P. Préau-Histoire en Savoie n° 7/1977
– L’évolution du matériel moteur et roulant du P.L.M. – L.M. Villain – Paris 1971.
– Archives Départementales de Savoie
– La Vie du Rail (numéros divers)
– Histoire du chemin de Fer en Savoie – H. Billiez Connaissance de la Savoie – Éditions 73 / La Croix Blanche Saint Michel de Maurienne.
– Histoire Mouvementée du Rail dans la région aixoise – H. Billiez Aix 73 Hebdo – numéros divers
– Chemin de fer – n° 386 (1987/5) AFAC Paris (numéro spécial sur la Savoie par André Gache)
– Différents documents et archives privés

(1) P.L.M : compagnie des chemine de Fer de Paris à Lyon et a la Méditerranée, exploitant tout le Sud-Est de la France, par fusion progressive avec les petites compagnies.

La classe 1908 – Albens

Le samedi 20 mars 1909 peu après 11 heures le conseil de révision du canton se réunit à la mairie d’Albens. Les jeunes gens ayant atteint l’âge de 20ans dans l’année écoulée ont été recensés dès le mois de janvier dans leur commune puis ont reçu l’ordre de convocation expédié à chacun d’entre eux par la mairie de leur domicile. Tous doivent répondre à cette convocation et se présenter devant le conseil de révision ; ils y seront appelés dans l’ordre du numérotage du recensement cantonal. C’est la signification même de conscrit, mot venant du langage du droit et voulant dire « inscrit sur une liste », en terme militaire « enrôlé ».
Cette opération est l’acte fondateur de la classe.

Celle de 1908 pose devant le photographe : six sont assis au premier plans, les neuf autres sont debout derrière eux, donnant à l’ensemble cette impression de groupe. Ils sont unis par une solidarité nouvelle, celle de l’âge, qui supplante, le temps des obligations militaires, les orientations politiques, les appartenances sociales ou les croyances religieuses. L’épreuve commune qui les attend, celle du service militaire, va les souder.

Les instructions officielles enjoignent qu’ils devront se présenter « dans un état convenable de propreté » mais, comme on peut le constater, ces quinze jeunes hommes sont bien allés au-delà. Tous ont revêtu le costume des grands jours, beaucoup ont choisi une chemise blanche à col dur pour faire ressortir qui une cravate, qui une sorte de nœud papillon.
Par delà le siècle ils nous regardent et nous interrogent : qui étaient-ils ?

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Albens : les conscrits de la classe 1908
photographie publiée dans « L’Albanais 1990 »
Kronos – La Biolle loisirs – B.Fleuret, 1991.

Les archives en ligne sont une aubaine pour tous ceux qui dans le canton travaillent déjà à la commémoration du centenaire de la Grande guerre en 2014. Elles nous permettent de connaître les noms de ces « classards » sans pouvoir pour autant les repérer sur ce cliché. L’association Kronos fait donc appel à tous ceux qui dans les familles pourraient identifier un de ses aïeux (arrière-grand-père, arrière-grand-oncle …). Ainsi pourrions-nous, avec votre aide, mettre des noms sur ces hommes jeunes et mieux connaître ceux qui ne savaient pas encore qu’ils allaient devenir les « poilus de 14 ».

Jean-Louis Hébrard
Article initialement paru dans l’Hebdo des Savoie

Invitation à l’AG 2015

Nous sommes heureux de vous convier à l’Assemblée Générale de notre association Kronos, qui se déroulera le vendredi 17 avril à 20h30, à la salle des fêtes de Mognard.

Ordre du jour :
– Mot de bienvenue du Président
– Rapport moral
– Rapport financier
– Débat sur la vie de l’association en 2014
– Projets et manifestations 2015
– Questions diverses
– Intervention des élus

Lors de cette rencontre, vous pourrez adhérer à notre association et en échange de votre cotisation, profiter de notre dernière revue n°30 qui vient d’être publiée.

Nous vous rappelons que d’anciens numéros de la revue Kronos seront en vente à prix modique afin que vous puissiez compléter votre collection.

Causerie à Albens

Ce jeudi 5 février à 15h, à l’office de tourisme d’Albens, Henri Billiez parlera de l’ennoblissement textile et de graveur sur bois.

Pour un petit groupe de personnes, Clubs ou Associations, le conteur évoquera l’évolution de l’impression sur étoffe ou sur soie. Les souvenirs professionnels d’un ancien graveur sur bois et la présentation de sa « boîte à gouges » et de planches de bois gravées illustreront ce métier aujourd’hui bien oublié.
Une évocation qui incitera à visiter les musées de notre région Rhône-Alpes au passé si riche de ces activités de tissage et d’impression.

La durée est d’une heure environ, autour d’une tasse de thé, d’un verre de cidre, avec des biscuits !

La tuilerie Poncini

Fils d’une très vieille famille du Tessin en Suisse, Joseph Poncini, qui dut interrompre ses études d’architecte à la mort de son père en 1860 a l’âge de 22 ans, choisit d’émigrer vers la France (qu’il adorait) afin de trouver une situation. En effet, le Tessin à cette époque offrait peu de travail sur place. Bon nombre de ses habitants émigrait vers l’Amérique, la Russie, la France ou l’Italie.

Il avait une passion : la céramique. Depuis Genève, il partit prospecter des terrains, cherchant de l’argile. Joseph Poncini possédait l’art de fabriquer des objets en terre cuite, c’est à Thônes, en Haute Savoie, qu’il trouva le premier filon d’argile de bonne qualité. Il se mit à construire un four pour fabriquer quelques échantillons, mais le décor ne lui plaisait pas. Il fit venir son frère pour lui demander conseil mais celui-ci ne fut pas davantage séduit par le pays. Il dit à Joseph : « si tu veux rester ici, reste ! mais moi je repars ».

Notre aventurier repartit lui aussi, longeant la voie ferrée à la recherche d’un autre filon d’argile, son matériel de fouille sur le dos, poursuivant son chemin (de fer). C’est à Albens qu’il trouva « Savoie » vers Braille. En effet, il découvrira une poche d’argile à l’emplacement du « creux » qui sert aujourd’hui de réserve d’eau au dépôt pétrolier. C’est là qu’il choisit de s’installer, faisant revenir son frère qui, bien qu’ayant des engagements en Amérique accepta de l’aider pendant un an.

Un premier four fut construit à l’emplacement de ce qui était le bureau avant d’être l’habitation de 1a famille Poncini. Ce four fut monté en briques non cuites ; c’est lorsqu’il eut sa forme définitive que Joseph Poncini fit la première flambée pour le cuire. Dans ce four notre Briquetier fabriquera l’ensemble des matériaux briques et tuiles qui serviront à construire la tuilerie.

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Le Ventre… de la tuilerie

Il partira dans son Tessin natal l’année suivante pour se marier. Revenu à Albens, avec son épouse, il se remit au travail. Brique après brique, la tuilerie se construisit. Même s’il est difficile d’avoir une certitude absolue sur l’origine de la première main d’œuvre utilisée, il semblerait qu’elle était locale. En effet, plusieurs enfants ou petits enfants d’Albanais de vieille souche pourraient témoigner que tel ancêtre a travaillé à la « tiolire, » tuilerie en patois, à partir des années 1880. Cette main d’œuvre d’origine paysanne (habituée à travailler la terre de façon un peu différente…) a été très importante à la fin du 19è siècle et au début du 20è, certainement une centaine d’ouvriers. À cette époque, tout était fait à la main, voire même avec le pied puisque c’est ainsi que la terre était pétrie.

Les chevaux servaient à remonter la terre de la poche, à transporter les briques ou tuiles de la tuilerie à la gare d’Albens (en passant par le chemin qui longe la voie ferrée) ou encore à livrer les clients des environs avec des chariots équipés de roues à bandages.

Vraisemblablement la machine à vapeur dut faire son entrée à la tuilerie vers 1911 car c’est à cette date que l’on situe la construction de la grande cheminée, haute d’une quarantaine de mètres (sans certitude). Une plus petite existait déjà, certainement celle des fours. Avec la vapeur, la mécanisation fit son apparition à la tuilerie, le pétrissage ou malaxage et le laminage de l’argile puis la filière qui conduisait à la fabrication des tuiles ou des briques se mécanisèrent. On peut imaginer ce que la mécanisation a apporté dans l’évolution de la tuilerie. Si bon nombre d’Albanais travaillait également à 1a tuilerie, des émigrés italiens y travaillèrent également. Ceux-ci devinrent de plus en plus nombreux au fil des années.

Difficile aussi de donner une date précise à l’arrivée de cette magnifique locomobile à vapeur que l’on appelait la Routière, utilisée en renfort ou en remplacement des chevaux. Elle faisait elle aussi, la navette jusqu’à la gare d’Albens d’où partaient la plupart des matériaux fabriqués à la tuilerie et qui étaient acheminés principalement dans les deux Savoies, et même dans le Jura.

Tirant ses chariots chargés de briques, elle fit un voyage jusqu’à la retenue du Val de Fier, se déplaçant à la vitesse d’un cheval au pas. Cette machine à vapeur du même type que celles qui faisaient tourner les batteuses était en plus motrice. Elle se composait de deux grosses roues métalliques munies de crampons pour les roues motrices et de deux plus petites pour la direction.

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Elle a « FIER » allure

En 1918, Joseph Poncini, l’aventurier constructeur meurt. Deux de ses enfants, Florentin et Joseph lui succèderont à la tête de la tuilerie. Si des italiens étaient déjà présents à la tuilerie avant cette date, c’est à cette période que l’on assistera à l’arrivée plus marquée de ces travailleurs italiens. Par connaissances ou relations, la famille Poncini partit chercher de la main d’œuvre en Italie du Nord, surtout.

Les premières années, ces ouvriers venus travailler ici repartaient chez eux vers Noël rejoindre leur famille. Ils revenaient à Albens autour de Pâques. Ils étaient d’excellents agents recruteurs auprès de leurs frères, cousins ou voisins pour venir travailler à la tuilerie. Ils mangeaient à la cantine et dormaient dans un dortoir, la cantine était un lieu de rassemblement et de rencontre pour tous les ouvriers et plus particulièrement pour les émigrés.

De 1860 à 1920, les témoignages recueillis comportent une part d’imprécisions, donc d’erreurs possibles et pour cause : il semble bien qu’aucune personne ayant travaillé à la tuilerie avant 1920 ne soit encore vivante. Le témoignage de Fernand Poncini (fils de Florentin) mort en 1982 aurait été ici tellement précieux.

Les ouvriers italiens de plus en plus nombreux, bien qu’il subsiste toujours une main d’œuvre locale, manifestèrent l’intention de faire venir leur famille ici et de s’installer définitivement dans l’Albanais. Ce désir entraîna la construction d’habitations dans la périphérie de la tuilerie. C’est ainsi que des familles très connues aujourd’hui ont pris racine à Albens ou aux environs parmi elles : Les Caviggia – Les Papinutti – Les Morello – Les Feltracco – Les Beluffi – Les Forner – Les Bottero – Les Moreschi – Les Carraro – Les Antonel – Les Colla – Les Grando – Les Copparoni – Les Ganéo et d’autres encore qui se sont installées plus loin.

La famille Caviggia arriva en 1920. Madame Caviggia (la mère de Mme Yolande Moine) devint la gérante de la cantine. En été 1923, un important incendie apporta un changement tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ce bâtiment. On le verra par la suite. Comme on l’a déjà vu, la poche de très bonne argile fut le point de départ de la construction de la tuilerie. Toute l’usine fut construite dans la logique des opérations nécessaires à la transformation de l’argile brute en briques ou en tuiles. La terre glaise était remontée avec des wagonnets roulant sur rails et tirés par Bibi. Bibi, c’était le nom du dernier cheval de la tuilerie. Ce Bibi, dira Pio Papinutti, avait une telle habitude de son travail qu’il effectuait les manœuvres nécessaires à la remontée de la terre sans que l’on ait à le commander. Pio en parle avec beaucoup d’émotion. Un petit tracteur à pétrole roulant aussi sur rails viendra progressivement remplacer Bibi. Les wagonnets étaient déchargés sous un hangar dans une trémie munie d’une vis sans fin qui amenait la terre dans les broyeurs ; elle était ensuite laminée et passait enfin dans la filière d’où elle ressortait en briques ou en tuiles. Ces produits étaient amenés aux séchoirs, dehors dans un terrain vague appelé « gambette » pour les briques et au séchoir intérieur pour les tuiles. Le séchage terminé, ces matériaux étaient empilés dans les fours. Eugénio Beluffi avait été recruté en Italie comme « empileur » de métier, en effet l’empi1age des briques ou des tuiles à l’intérieur des fours relevait d’une technique tout à fait particulière, elle conditionnait la réussite de la cuisson. Seul un homme de métier pouvait remplir cette tâche. Eugénio Beluffi était de ceux-là !

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Les bâtiments au début du siècle

Avant l’incendie de 1923, le séchoir à tuiles était au-dessus des fours, c’est ce qui fut à l’origine de l’incendie, car les tuiles étalent posées sur des caillebotis en bois, une bouche d’alimentation d’un four qui n’avait pas été refermée mit le feu à ces caillebotis et le communiqua à la toiture. La reconstruction qui suivit l’incendie permit d’agrandir les fours et d’aménager le séchoir à proximité de la machine à vapeur. L’aspect extérieur de la tuilerie changea aussi, notamment la toiture.

Si l’argile était un élément primordial pour la qualité des produits, la cuisson en était un autre tout aussi important. C’était certainement pour cette raison qu’une sorte de rite était né avec l’allumage des fours.

Attilio Forner, le dernier « chauffeur » des fours, évoque ce passé avec précision. Il préparait le foyer avec une fascine ou fagot et du bois, il attendait l’arrivée de Joseph Poncini (le dernier Patron de la tuilerie) car c’était à lui que revenait la responsabilité de l’allumage. Avant de frotter 1’allumette, le Patron et Attilio faisaient le signe de croix comme si ils voulaient se rassurer, que tout irait bien jusqu’au bout. Les fours nécessitaient une surveillance et une responsabilité constantes. Des distributeurs automatiques de charbon avaient considérablement réduit le travail manuel, car auparavant l’alimentation du feu se faisait à la pelle. Les fours restaient allumés jusqu’à onze mois d’affilée. On devrait plutôt dire, le feu restait allumé plusieurs mois. Lorsqu’un four était chauffé, environ durant 15 jours, entre la cuisson et le refroidissement, le feu était « poussé » plus loin à un autre four et ainsi de suite. Les briques ou les tuiles, une fois refroidies, étaient stockées dans la cour. Le fonctionnement des fours nécessiterait a lui seul tout un article.

Après la mort de Florentin, en 1934, son frère Joseph restera le dernier Patron de l’usine. Un tracteur latil (quatre roues motrices et directrices) avait remplacé la Routière depuis près de 20 ans. La réserve de bonne terre s’épuisait peu à peu, il fallut chercher de l’argile ailleurs, on en trouva à St Ours et à Bloye, plus tard à Dressy. Cette nouvelle terre était mélangée à la bonne. Celle de St Ours se révéla de mauvaise qualité, elle contenait de la pierre à chaux, mais ce fut une fois les matériaux utilisés que l’on se rendit compte de l’incidence de cette pierre à chaux sur la qualité des produits. La famille Poncini dut rembourser bon nombre d’appartements qui avaient été construits avec ces matériaux défectueux.

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Un coin des ateliers

Le sifflet de la machine à vapeur continuait de rythmer la vie de la tuilerie et aussi celle de la campagne voisine, le matin, on l’entendait à l’heure « d’attaquer » le travail ; a midi, pour signaler que c’était l’heure d’aller manger. Les paysans qui à l’époque travaillaient avec les bœufs ou les chevaux dans les champs entendant siffler midi disaient : « é mijo a la tiolire é l’hore d’alla goutâ ». Jusqu’au Bibi qui activait le pas lorsqu’il entendait lui aussi siffler midi pour se rendre à la cantine – enfin presque – car il s’arrêtait chaque fois, en passant devant la porte de la cantine sachant qu’il y avait toujours quelqu’un pour lui donner une sucrerie avant de rentrer à son écurie toute proche. Avec l’arrivée des familles italiennes, le travail des femmes fit son entrée à la tuilerie. Toute une vie de village allait se créer peu à peu ici. Il n’était pas rare de voir le soir venu, quand il faisait beau et chaud, tous ces Italiens se retrouvant dans un pré pour chanter. Madame Tachet (petite fille de Joseph) dira volontiers que son enfance fut bercée par ces chansons italiennes. Parfois, ils venaient jusqu’à Braille et c’était autour d’un tara de bidoyon qu’ils reprenaient leurs chants. Le dimanche autour d’un terrain de boules c’était l’ambiance des jours de fête. Justine Forner, la dernière cantinière ne chômait pas ce jour-là. Il y eut même un pèlerinage dans les années 50 à la tuilerie en l’honneur de de Notre Dame de Lorette, ils furent très nombreux les Italiens ce jour-là à la Tuilerie. Si toute une vie de village s’était créée ici, celle de Braille s’en trouva également marquée. Les habitations qui avaient été construites pour accueillir les familles ne furent pas assez nombreuses. C’est ainsi que toutes les maisons libres de Braille ont été louées par ces familles. Très vite, des liens se nouèrent, la plupart de ces émigrés italiens était d’origine paysanne ; à la fin de leur journée de tuilerie, ils donnaient des coups de main dans telle ou telle ferme. C’était pendant le « pinglage » du tabac à la veillée que l’on apprenait à se connaître. Des dons en nature servaient de paiement. Le dimanche aussi, on se retrouvait dans une cour de ferme pour jouer aux quilles, le tara de bidoyon n’était pas loin. Beaucoup d’anecdotes et bons souvenirs ont été évoqués par tous ceux qui ont témoigné pour cet article, tous ont dit que c’était le bon temps. Les gamins que nous étions dans les années 50 auraient aussi de bons souvenirs à évoquer, le dimanche nous nous retrouvions dans la réserve d’argile pour jouer au petit train avec les wagonnets, nous aimions les faire dévaler la pente à grande vitesse ; les aiguillages nous permettaient de varier le trajet. Mais voilà ! Joseph Poncini apercevant les lundis matin les wagonnets déraillés ou renversés venait faire un petit tour (sur notre circuit) le dimanche après-midi. « Sacré pétard, » nous criait-il, ce qui provoquait la fuite dans les roseaux de toute la bande de gamins. Qu’il était bon ce verre de limonade (qui coûtait 20 centimes), que nous buvions à la cantine une fois par an lorsque nous revenions de la blache (l’herbe des marais utilisée pour la litière des vaches) à cette époque nous aurions bien aimé qu’il y eut plusieurs coupes de blache dans l’année.

Un jour l’été de 1962, le sifflet de la tuilerie se fit entendre une dernière fois, il n ressemblait à un glas. Il est vrai aussi, que nous les paysans, il y avait déjà longtemps que nous n’entendions plus sonner « mijo », les tracteurs avaient remplacé les bœufs et les chevaux.

L’imposante centenaire qui faisait partie de l’univers Albanais ne pût résister aux coups de dynamite ou de bulldozer en 1964, seul subsiste aujourd’hui le bâtiment qui sert de bureau aux établissements Taponnier et qui était la cantine. Son dernier patron, Joseph Poncini lui survivra 10 ans.

Les citernes du dépôt pétrolier occupent le terrain aujourd’hui

René Canet

P.S. : Merci aux personnes qui ont témoigné : Mesdames Juliette Tachet, Olga Poncini, Yolande Moine, Messieurs Victor Tachet, Pio Papinutti, Henri Canet, Attilio Forner ainsi que les témoins indirects.

Article initialement paru dans Kronos N° 2, 1987

Un mégalithe à Albens

Le témoin d’une occupation humaine très ancienne

Circonstances de la découverte

En mars 1978, lors des travaux de construction du collège Jacques Prévert à Albens, entre la R.N. « 510 » et la voie ferrée, les engins mécaniques mettaient à jour une pierre à cupules profondément enfouie dans le sol.
Sa découverte par des engins de terrassement causa quelques dommages à la partie inférieure, ainsi que des stries profondes sur la face gravée.
Elle fut alors transportée hors du chantier et se trouve actuellement sur une pelouse du collège, face à l’entrée principale.

Description du mégalithe

La pierre de forme allongée, a une longueur de 2,30 m pour une largeur maximale de 1,10 m. Son épaisseur varie entre 0,50 et 0,60 m.
Elle présente sur sa face supérieure une arête longitudinale (voir croquis).
Cette face est recouverte d’une patine brune, très foncée par endroit, qui tranche avec la teinte verte de la roche visible dans les parties endommagées.
Ce bloc de micaschiste verdâtre n’est pas une roche fréquente dans une commune entourée de montagnes calcaires, où les sols correspondent surtout à des moraines glaciaires et à des alluvions modernes.
Ce mégalithe présente sur la plus grande partie de sa face supérieure pas moins de 130 cupules de toutes dimensions.
Ces cupules sont regroupées plus particulièrement sur la moitié de la face supérieure et sur tout un côté (côté A.).
Certaines sont disposées de façon intentionnelle, en couronne autour d’une cupule centrale : c’est très net pour un ensemble du côté A.

croquisA
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Leurs dimensions sont variables :
– La plus importante a une profondeur de 1,5 à 2 cm pour un diamètre de 7 cm.
– Quelques unes, de même profondeur, ont un diamètre de 5 à 6 cm.
– La majorité d’entre elles sont plus petites, très rapprochées surtout dans la moitié de la face supérieure.

Les pierres à cupules en Savoie : localisation ; datation

Les pierres à cupules sont assez répandues en Savoie , ces vestiges sont « abondants en Maurienne, Tarentaise, Bugey et Chablais ». (1)
Mais si on regarde une carte de la répartition des mégalithes (2), on constate qu’aucune découverte n’a été signalée à ce jour dans l’Albanais, jouxtant il est vrai le Bugey savoyard.

carteB
Répartition des mégalithes
Régions à pierres à cupules nombreuses : 1) Chablais, 2) Bugey savoyard, 3) Maurienne et Tarentaise, 4) Régions à dolmens

Les pierres à cupules sont en général, surtout en Maurienne, située à une altitude supérieure à 1 500 m, celle d’Albens est sise dans une région de faible altitude (350m) loin des zones montagneuses. Une comparaison est peut-être à faire avec celle découverte sur le site des Marches, fouillé par le G.R.A.C.S. (3)
Là aussi, comme à Albens, une telle roche voisine avec une implantation romaine : céramique sigillée, mortier signé ATTIUS, à Albens.
Mais à Albens, il convient de signaler que lors des fouilles de juillet 1978, une lamelle de silex et un fragment de molette ont été découverts à quelques dizaines de mètres de ce mégalithe. Il faut y ajouter un éclat de silex retouché, découvert en 1984 (voir croquis).
Sans parler du problème de la destination d’un tel vestige, se pose celui de la datation, « de la fin du Paléolithique à la fin de l’antiquité ? » (4).
Si l’on accepte les conclusions du GERSAR, tendant à situer plus précisément ces gravures « au Néolithique final et surtout à l’âge des métaux » (5), on serait alors en présence à Albens d’une implantation humaine remontant à la fin de la Préhistoire.

Jean-Louis Hebrard

1) J. Prieur ; la Savoie antique : recueil de documents, p. 32.
2) Archéologia n° 121, article de A. Bocquet, p. 13.
3) Archéologia n° 128, article de J.M. Ferber, p. 65.
4) J. Prieur : la Savoie antique, p. 32.
5) Archéologia n°121, article du « Groupe d’études, de recherches et de sauvegarde de l’art rupestre », p. 42.

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Cette pierre à cupules, découverte lors des travaux de terrassement du collège, se trouve maintenant sur la pelouse d’entrée.

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Détail du côté A : on distingue bien la disposition des cupules en couronne autour d’une cupule centrale, et certaines détériorations subies par le mégalithe.

Attius
Céramique signée ATTIUS, découverte à proximité de la pierre à cupules.

Industrie lithique à Albens

croquisC1
Fragment de lamelle retouchée. Lamelle de silex : élément de faucille ?

croquisC2
Éclat de silex retouché. 1984, découverte de surface.

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Fragment de molette découverte en fouille (1978).
Les molettes servaient à broyer les grains.

Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986