Tous les articles par kronos

Fides et Spes, sœurs centenaires au cœur battant

1886-1986 : le do et le mi sous « cloches »

cloches
Les yeux me brûlent d’insomnie,
le jour paraît à la fenêtre ;
mes pensées en déroute
battent encore la chamade
des hantises nocturnes…
Ô mon âme, dépose
angoisses et tourments ;
réjouis-toi, entends tinter,
de-ci de-là les cloches matinales…

Eduard Mörike
Au point du jour

Combien d’entre nous n’attendent-ils pas au-delà des « angoisses et des tourments » alors que « le jour paraît à la fenêtre » que raisonne l’angélus pour commencer une nouvelle journée ? Croyants, indifférents ou athées, chacun tend l’oreille vers cette corne de brume de notre sommeil. Et pourtant, un matin de 1985, les cloches se turent. Les habitants se sentaient orphelins, lancés au milieu de l’océan du temps sans ce guide réconfortant. Mais ce silence ranima la mémoire des anciens qui par la tradition orale savent que contrairement à l’affirmation de Louis-Ferdinand Céline : « L’histoire ne repasse pas les plats », Dame Clio ménage parfois des coïncidences curieuses.
« L’an 1885, le jour des Morts, au matin, la vieille cloche reçut le coup de mort. N’est-ce point le marteau de l’horloge qui a frappé la cloche pendant qu’elle tintait ? » Joseph Lemoine, curé de la paroisse d’Albens, consigne de sa fine écriture, sur le registre paroissial, l’évènement de cette fin d’année 1885. L’unique cloche de l’église vient à l’aube de cette journée des défunts de rendre son dernier soupir, privant, déjà, les fidèles d’une compagne très « écoutée ».
Et l’archiprêtre, soucieux d’exactitude, note, non sans un certain amusement que « dans la paroisse, on ne fut pas chagriné » et de préciser les raisons de cette apparente indifférence : « De cet accident, on se permit d’en rire. La rumeur disait : il nous faut une cloche qu’on entende partout, plus grosse que toutes celles de la vallée. » S’égrenant à la respiration de la terre et au souffle du ciel, la vie rurale ne pouvait longtemps se passer du tintement familier. Et puis, cette rumeur un peu perfide, avoue que finalement, l’occasion est belle : « Albens est un chef-lieu. Il nous en faut deux. Plusieurs paroisses en ont deux… » Querelles de clochers !

Ainsi, les autorités civiles et ecclésiastiques, suivant le « vox populi », décidèrent-elles de substituer à la cloche cassée, « deux sœurs Fides et Spes » qui depuis cent ans au fil des heures joyeuses, glorieuses ou ténébreuses, « chantent, pleurent et prient », rappelant à la communauté albanaise, que le 28 juillet prochain, vers 17 heures, elles fêteront leur centenaire.

Une plongée dans notre passé s’imposait.

Une première plongée nous entraîne dans la « fosse océanique » 1869

En empruntant momentanément la « Calypsos » du commandant Cousteau, rebaptisée « Kronos » pour la circonstance, nous nous immergeons dans l’océan des hommes jusqu’au seuil 1869 qui présente un véritable « fossé tectonique » tant pour l’histoire religieuse locale que pour celle de l’Église catholique romaine.
Telle une Louve aux appétits modernes, le xixè siècle allaita deux jumeaux au caractère apparemment opposé, « Positivisme et Libéralisme » » reprenant dans la mythologie contemporaine les rôles de Romulus et Remus, placés l’un et l’autre sous la protection du dieu Rationalisme auquel certains vouèrent un culte… déraisonné.
Cette double émergence dans l’esprit philosophique abreuva de nombreux mouvements « assoiffés » de liberté et d’indépendance, et provoqua de multiples lézardes dans la citadelle construite autour de la personne du Pape, en ouvrant des brèches de plus en plus larges dans l’autorité temporelle du Saint-Père. Les secousses nationalistes italiennes, savamment orchestrées par le comte de Cavour avec la malicieuse complaisance de l’empereur Napoléon III, amplifièrent leur onde de choc jusqu’à réduire les États pontificaux au seul bastion du Vatican. Un ultime bastion que Pie IX installé sur le trône de Saint Pierre de 1846 à 1878, accepta comme une prison de luxe, mais qui eut pour principale conséquence de stigmatiser son énergie et de renforcer son autorité spirituelle, autorité solennellement réaffirmée lors du premier Concile du Vatican qui débuta le 8 décembre 1869.
Ce même 8 décembre, la paroisse d’Albens rassemblait ses fidèles pour la bénédiction officielle de la nouvelle église dont les travaux venaient de s’achever.
Pour bien saisir le moindre battement de « chœur » d’une communauté villageoise, il faut savoir tendre l’oreille en direction de la « ville Éternelle », cette Rome qui tente d’irriguer ses contrées les plus éloignées.

Le procès-verbal de la bénédiction de l’église, rédigé par le Révérend Lucien Pavy, archiprêtre et curé, attire immédiatement notre attention dès les premiers mots : « L’an 1869, le 8 décembre, en la fête de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, Mère de Dieu, jour à jamais mémorable de l’ouverture du Saint Concile du Vatican, au milieu d’un immense concours de fidèles… »
Une célébration doublement symbolique à une date qui ne doit rien au hasard.
Face à la montée du laïcisme, de l’anticléricalisme et du scientisme qui s’apprêtaient à sacrifier toute religion sur l’autel de la « Sainte Raison » la bénédiction d’une église, quelque fut son importance, s’analysait comme une résistance à l’air du temps et un défi accompagnant la lutte de Pie IX pour faire de l’église le dernier rempart contre les principes, jugés dangereux, de la société contemporaine.

En ce jour de « fête de l’Immaculée Conception », dogme proclamé le 8 décembre 1854, le Concile Vatican I accrut le centralisme romain en soumettant l’Église à la seule autorité de Rome, l’affirmation doctrinale de l’ultramontanisme (1) s’opposant aux aspirations gallicanes (2) des églises nationales. La constitution Pastor Aeternus, clôturant le concile le 18 Juillet 1870, servit de point d’orgue, l’évêque de Rome obtenant la définition de d’infaillibilité pontificale. Un concile qui s’interprétait comme un constat de divorce, aux torts réciproques, entre l’Église et la pensée contemporaine.
C’est dans cette agitation fébrile, tempérée par le bon sens campagnard, que les Albanais accueillaient la construction de leur nouvelle église. La cloche pouvait battre à toute volée pour fêter cette naissance jusqu’à ce matin du jour des Morts 1885 où l’implacable faucheuse lui infligeait une blessure fatale.

Une remontée au pallier 1885 qui provoque quelques vagues !

Coup de sang savoyard pour Fides :

La charge de remplacer la cloche cassée incombait à la commune. Le curé Lemoine fit part à monsieur le maire, Félix Canet, du sentiment de la paroisse. Des différents entretiens, auxquels participa le président du conseil de Fabrique, monsieur Jules Rosset, intervint un accord pour une nouvelle cloche de 2000 kilos.
Le conseil de commune eut donc à délibérer sur la question, le problème essentiel consistant à choisir le fondeur. La maison Paccard, d’Annecy-le-Vieux, qui connaissait déjà une renommée internationale, semblait devoir sans discussion possible recueillir un préjugé favorable auprès des édiles albanais. La procédure suscita quelques… frémissements !
Réuni le 15 novembre 1885, le conseil écouta le rapport du premier magistrat sur les contacts qu’il avait établis avec diverses maisons de fonderie de cloche afin, à la lumière des devis, de « choisir celle de ces maisons qui offrirait les conditions les plus avantageuses tant sous le rapport de la bonne exécution du travail que sous le rapport du prix ».
À l’intention de ses collègues, Félix Canet fit circuler la correspondance échangée afin qu’ils se « forgent » une opinion.
À la lecture du registre des délibérations, cette séance se déroula sans atermoiements, ni émotion.
Les conseillers admirent que la cloche de la commune était cassée et qu’elle ne pouvait plus fonctionner. Ils constatèrent qu’à la suite du « don à titre gracieux qui » avait « été fait récemment… par messieurs les frères Perret, de Paris, d’une horloge », il convenait d’adjoindre une cloche nécessaire au bon fonctionnement de l’horloge, fonctionnement dont les habitants étaient actuellement privé ainsi que des sonneries indispensables au service du culte.
Le choix du fondeur ne donna lieu officiellement à aucun cas de conscience, le secrétaire de séance notant « qu’à la suite du dépouillement de la correspondance, il résulte que la maison Paccard, d’Annecy-le-Vieux offre les conditions les moins onéreuses avec toutes les garanties d’une bonne exécution ».
Curieux raccourci ! Et le bon Père Lemoine nous rappelle à l’ordre et à la vérité historique. Car, si on s’adressa tout naturellement aux « Messieurs Paccard », la maison Debrand de Paris, également consultée, proposa un devis nettement moins élevé. Et comme depuis la pose de l’horloge de la maison Godefroy-Strebet, Albens regardait Paris avec des yeux de Chimène, le choix s’avérait beaucoup plus cornélien. Une bataille de chiffres qui déclencha une petite « guerre de la fonte ».
Le sang savoyard des « Messieurs Paccard » » monta à ébullition et « ceux-ci humiliés qu’on s’adressa à Paris, firent un rabais, de 25 F par 100 kg, le prix se réduisant à 300 F les 100 kg ». Le coup paré, l’honneur était sauf ! Ainsi, le conseil communal décida le 15 novembre « l’acquisition d’une cloche de la maison Paccard d’un poids de 2 000 kg dont la dépense s’élèvera à la somme de 6 170 F ».

À cinq heures, Monseigneur Leuillieux gravit les quelques marches du parvis pour prendre place devant la grande porte de l’église, entouré d’un imposant clergé duquel émergeaient le vicaire général Ramaz, les chanoines Boissat, Savy, Monachon, Quai-Thévenon, les curés Pajeon, Guicher, Déprimoz, Chamousset, le supérieur du collège de Rumilly. Cette assemblée dominait une foule saisie « d’une émotion douce et joyeuse » et installée sur des bancs.
Au grand artisan de la renaissance des cloches, le curé Lemoine, revenait la tâche de prononcer le discours d’usage. Impressionné par ce parterre d’ecclésiastiques et par la solennité de l’instant, « il monta sur le marchepied et adressa la parole à cet auditoire aussi grand que distingué ». La bénédiction se déroulant en quatre cérémonies successives ; le lavement, les onctions, l’encensement et la sonnerie ; il en « interpréta le sens mystique » à l’intention des fidèles.
Fides et Spes baptisées, l’archiprêtre « pria le pontife de bénir la paroisse si généreuse pour la décoration de l’église et l’acquisition de la seconde cloche ». Les péripéties de la naissance de Spes lui revenant en mémoire, « il appela une bénédiction particulière sur les plus généreux donateurs ».
Et de citer en premier lieu, le chanoine de la cathédrale de Chambéry, Jean Boissat, le « généreux parrain » de Fides qui à l’occasion du baptême de sa filleule offrit « un si riche ostensoir en vermeil avec pierres précieuses ».
Puis la famille Canet, en la personne de son plus illustre représentant, Félix, qui en tant que maire, présida à la construction de l’église et au remplacement de la fameuse « cloche cassée », et de « Dame Elize » à qui revint la « charge » de porter Fides sur les fonts baptismaux, au titre de marraine.
Monseigneur associa au premier magistrat « Monsieur Pavy, aujourd’hui curé d’Aix » qui « connut mille difficultés » pour l’érection du prestigieux édifice, et « fit beaucoup pour son embellissement ».

actedebapteme
« L’acte de Baptême »

La famille Rosset, comme « la plus généreuse envers l’église et la plus connue des pauvres » reçut sa part d’éloges. Elle avait participé pour 470 F à l’achat de Spes. Jules Rosset, président de la Fabrique, fut investi de la fonction de parrain et « contribua à l’achat d’une pyxide (3) en vermeil pour 160 F ». Léon Rosset, quant à .lui figure sur « l’acte de baptême » de Fides en sa qualité de premier adjoint.
Et enfin, de rappeler les mérites de la famille Perret, « celle à qui on doit l’horloge », « Maman Justine » élevée à la dignité de marraine de Spes. Avec celle de Fides, Elize Canet, elles « donnèrent les dix chandeliers en cuivre semi-doré du maître-autel ».
La bénédiction s’acheva et « on se hâta de faire_monter les cloches ». La foule allait-elle entendre le premier « cri » des deux sœurs ? Non car « elles ne purent sonner que le lendemain à la fin de la consécration de l’église ».
cette première journée se termina par une « magnifique illumination », Monseigneur faisant « une charmante visite dans le bourg ».

La Consécration

Bénite le 8 décembre 1869, l’église d’Albens, au cours d’une cérémonie qualifiée de « grave et imposante », reçut la dignité suprême le 29 juillet 1885 des mains de Monseigneur Leuillieux : la Consécration.
Bâton de maréchal d’un édifice religieux, cette dédicace ne revêt aucun caractère obligatoire, la plupart des églises et même des cathédrales se « contentant » de la bénédiction.
La rareté de la cérémonie indique combien les autorités ecclésiastiques se montraient reconnaissantes à la paroisse et à la commune d’Albens de leur action « chrétienne ».
À dix-sept ans d’intervalle, la bénédiction et la consécration témoignaient de la ténacité de ce bourg rural à maintenir le culte catholique dans son expression la plus large, et récompensaient l’enthousiasme et la fermeté des clercs et des fidèles à affirmer leur attachement.
L’Archevêque suivit le rite de la consécration, élaboré des siècles avant lui, rite beaucoup plus dépouillé actuellement depuis le concile de Vatican II.
Plusieurs processions autour de l’église permirent au prélat d’asperger et de sanctifier les assises et les murailles extérieures. Gagnant l’intérieur, il opéra de la même façon sur « l’inscription, en forme de croix, des 24 lettres de l’alphabet grec et latin, sur le pavé de l’église ».
Puis il transporta depuis la cure des reliques pour les sceller dans le tombeau de l’autel. Chaque maître-autel est en effet destiné à accueillir le corps ou les reliques d’un saint homme. En l’occurrence, les reliques sont-elles celles de saint Alban ? Nul le sait.
La consécration proprement dite s’acheva par l’onction de l’autel et des douze pierres incrustées dans les murs.
« Un sermon pathétique », « une sainte messe », le TE DEUM eurent sans doute beaucoup de mal à satisfaire, malgré leur foi, les paroissiens, fascinés par une attente légitime : la sonnerie des cloches.
Et comme pour mettre un terme au supplice de leurs « géniteurs », Fides et Spes, d’un commun accord, « entonnèrent charitas » dans une « sonnerie heureuse, grandiose, harmonieuse et joyeuse ».

Et depuis ce jour, les deux sœurs, s’imposant parfois des silences monacaux, effacent de leurs « effluves matinales » les « angoisses et les tourments », ces deux vigies, entre ciel et terre, accompagnant les hommes dans leur reconquête du temps… perdu.

Alain Paget

Les plus vifs remerciements au Père Maurice Hugonnard pour la consultation des registres paroissiaux et ses précieux renseignements, ainsi qu’au secrétariat de mairie pour les archives communales.

Notes de l’auteur :

1) Ultramontanisme : ensemble des doctrines théologiques favorables au saint-siège.
2) Gallicanisme : doctrine qui a pour objet la défense des franchises ou libertés de l’Église de France (gallicane, de gallicanus = gaulois), à l’égard du saint-siège, tout en restant sincèrement attachée au dogmes catholiques.
3) Pyxide : petite boîte qui servait autrefois à contenir l’eucharistie et qui est à
l’origine du ciboire.

Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986

Faits curieux et historiques

En 1860, c’est bien connu, la Savoie a été rattachée à La France.
Napoléon III, nouveau maître de notre ancestrale contrée, en fit dresser une carte d’état-major pour et par ses armées, car celles effectuées de 1854 à 1856 par les Italiens laissaient à désirer.

L’orthographe du nom de certaines communes étant restée délicate, M. Louis Pillet, de l’académie des Sciences de Savoie, se proposa de les réorthographier afin de faciliter la tâche aux militaires, aux voyageurs et à l’administration.
Les travaux ont été achevés en 1886. Ainsi la dénomination de nos villages et hameaux, dont l’origine remonte pour la plupart, au XVIIIè siècle, a été en partie modifiée.

Voici quelques exemples de cette opération :
Auparavant, Dressy s’appelait Druissy ; Marline, La Martine ; Lépau, Les peaux ; Orly, Dorlier, et cela en raison d’un sieur François d’0rlier, Seigneur de Montfalcon en 1447 et qui laissa son nom à ses terres.
Futenex qui était « l’un des plus grand hameaux d’Albens » s’appelait, avant 1866, Maison Moliard, et tira son nouveau nom de la présence dans ses parages, d’une « source minérale Ferrugineuse ».
Sur la Biolle, il y eut moins de changements, mais Tarency se nommait Tareusy ; Roasson, Rousson et Longefan, Longefau.
De même à Cessens, les Granges s’appelaient les Gragnats ; à Saint-Girod, Maclin s’appelait Marclens et Épersy s’écrivait avec un « z ».

On ignore encore l’impact que ces transformations ont eu sur les populations : intérêt, indifférence, rejet ?
Toujours est-il que certaines communes ou lieux-dits comme Braille, Saint-Girod, Dominian (1), Piollat (à Cessens), après avoir vu leur orthographe modifiée en haute sphère, n’en ont pas moins gardé aujourd’hui leur ancestrale appellation.

Une preuve que l’homme ne peut pas toujours défaire ce que l’homme a fait.

Gilles Moine
Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986

(1) NDK : Comme indiqué en commentaire de cet article, il faut lire ici « Domian ». Le choix a été fait de garder l’article tel que paru en 1986.

Fabrication de fourches par M. Jean-Pierre Conversy

M. Conversy, artisan, habitait au village de Marcellaz à Saint-Girod. Il débuta son activité après la guerre de 1914 et exerça alors son métier jusqu’à la fin de sa vie, en 1949.
M. Conversy a eu le mérite d’apprendre seul ce métier qui lui a demandé beaucoup de patience, d’habileté et de précision.
Il lui a fallu donc, tout d’abord, un certain temps de réflexion dans l’étude de la courbe d’une fourche, des matériaux nécessaires à l’élaboration de son ouvrage. Puis vint le temps de la fabrication des moules et autres matériaux. Tout ceci consistait en une « échelle spéciale » appelée « la forme » et des « coins ». Puis il acquit un four, un grand chaudron, un petit chariot, une scie à ruban, des rabats, des racloirs, des planes et toiles émeri. Son ouvrage était constitué d’un ensemble d’opérations dont la construction en elle-même nécessitait plusieurs jours.
Il lui fallait d’abord aller acheter le bois sur pied. Il parcourait le pays en vélo. Le frêne était choisi comme le matériau le plus adéquat. M. Conversy choisissait de gros frênes, jeunes, le pied bien droit et sans nœuds. Il les reconnaissait à leur écorce presque lisse, et à leurs emplacements, des terrains frais et plutôt humides.
Les pieds de frêne étaient ensuite transportés à la scierie où ils étaient sciés en des plateaux de 7 cm d’épaisseur.
Puis s’exécutait le travail de traçage. Les tracés de bois de fourche étaient effectués dans les veines bien droites puis sciés à « la ruban ». Ensuite, il fallait donner 2 coups de scie pour les 3 fourchons de 70 cm. M. Conversy préparait ainsi une quinzaine de bois de fourche.

L’autre partie de son travail se déroulait le lendemain matin de très bonne heure (2 heures du matin). Il commençait à faire cuire les 15 bois de fourche à l’eau bouillante dans un grand chaudron haut pendant 1/2 heure environ suivant la dureté du bois. Puis il sortait un bois à la fois tout en maintenant les autres dans l’eau chaude.
Ensuite, il commençait par courber la partie « fourchon » à l’aide de l’établi pour assouplir 1e bois pendant qu’il était encore très chaud et éventuellement le remettait cuire s’il était encore trop raide. Puis le bois était placé sur la « forme » (échelle spéciale) à même le sol, coincé avec une traverse au niveau de 1a base des fourchons. Deux coins provisoires étaient mis pour écarter les fourchons sans les forcer et puis il fallait donner de la courbe aux 3 fourchons en les maintenant dans le bout par des bois échancrés, les fixant à égale distance les uns des autres. Ce travail fini, ils étaient laissés en attente. Puis M. Conversy recommençait la même opération avec un autre bois en ayant soin de remettre au fur et à mesure des bois à recuire.
Quand les 15 ébauches de fourches étaient prêtes, il faisait chauffer le four préalablement rempli de bois à une température très élevée comme pour un four à pain.
Puis il faisait glisser à l’intérieur sur des rails le paquet de 15 fourches prêt à l’avance sur un charriolet spécial. Puis le four était refermé aussitôt, les fourches y étaient laissées jusqu’à complet refroidissement, c’est à dire jusqu’au lendemain.
Tout ce travail était très pénible et demandait une grande matinée.
Le jour suivant, M. Conversy, enlevait les moules (formes) qui se dégageaient sans effort le bois ayant séché. Il remplaçait les coins provisoires par d’autres plus petits « en verne », bois tendre, et les clouait avec deux grandes pointes rivées aux deux extrémités Arrivait alors le travail de finition. Avec rabots, planes, racloirs, papier de verre, il effilait les fourchons en arrondissant seulement le dessous, le dessus devant rester plat mais sans angles prononcés sur les bords.
Puis il arrondissait le manche. Toute la fourche devant être lisse et douce au toucher, aussi le polissage était perfectionné avec du papier de verre très fin.
La fourche était alors terminée.
M. Conversy faisait également des fourches avec du noyer bien droit, qui était un bois beaucoup plus léger. Les fourches étaient achevées en guise de cadeaux, pour les femmes et les enfants.

Son travail s’effectuait sur les marchés de la région, mais beaucoup de gens venaient acheter les fourches à son domicile. Beaucoup étaient vendus aux habitants des Bauges.
Il se chargeait aussi de la réparation des fourches cassées.

Avec ce même amour du travail, le travail bien fait, M. Conversy fabriquait aussi des skis, selon les mêmes principes de construction que pour les fourches. Les skis étaient vendus jusqu’à des départements très éloignés.
À tout ceci, s’ajoutait la réalisation de tonneaux et de pressoirs.

Maryse Portier

Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986

Albens avant la Guerre 14-18

Il devait faire beau temps ce dimanche 5 avril 1914, jour des Rameaux ; comme à leur habitude les habitants d’Albens se regroupent sur la place centrale où l’on discute par petits groupes.
Nous sommes sortis de l’hiver, les petites filles ont revêtu les robes claires et coiffé les chapeaux de paille qui les protègent si bien des ardeurs du soleil. Quelques femmes en robes longues et sombres circulent entre les groupes d’hommes qui semblent débattre tranquillement.
Parlent-ils des travaux des champs et des longues journées consacrées aux cultures, aux herbages et à la production du lait que l’on apporte quotidiennement dans les fruitières ?
N’abordent-ils pas plutôt les questions politiques ? Dans trois semaines les prochaines élections législatives vont avoir lieu. Le débat est vif, les  républicains sont divisés, le parti réactionnaire et clérical encore puissant. Mis en ballottage au premier tour, le député républicain sortant Théodore Reinach sera nettement battu au second par un jeune candidat se définissant comme « nettement catholique et franchement républicain », Paul Proust.
Ce nouveau député, les électeurs du canton n’auront guère eu le temps de le connaître : mobilisé le 4 août 1914, sergent au 97ème de ligne, il tombera au combat le 24 octobre de la même année à Saint-Nicolas-les-Arras.

place_albens

Avec cette carte postale réalisée quelques années plus tôt par le photographe chambérien Louis Grimal nous disposons d’une sorte de fenêtre ouverte sur les habitants d’un chef lieu de canton qui regroupe alors neuf communes et compte un peu plus de 1600 habitants.
Dans moins de cinq mois la première Guerre mondiale aura éclaté, les hommes seront partis défendre la patrie et sur la porte de la mairie on pourra encore voir l’affiche de la mobilisation générale.

Jean-Louis Hébrard
Article initialement paru dans l’Hebdo des Savoie

La faïencerie de la Forêt à Saint Ours

Un dossier aimablement prêté à un membre de Kronos par Monsieur le Conservateur du Musée de Chambéry, une vieille brochure de Monsieur le Comte de Loches, une visite au musée d’Aix les Bains, et diverses conversations, ont permis de rassembler un faisceau de renseignements concernant l’activité de la faïencerie de la Forêt, installée sur la commune de Saint Ours, et qui fonctionna de 1730 à 1814.

L’attention des chercheurs du passé de l’Albanais sera peut-être éveillée, et on souhaite que les uns et les autres examinent leurs vieilles faïences et porcelaines, fouillent les greniers, questionnent voisins et amis, peut être découvriront-ils plats ou assiettes portant au dos l’inscription : « la Forest »… Peut-être feront-ils quelque trouvaille plus intéressante ? Aussi cet article pourrait n’être que le premier se rapportant à une intéressante industrie de notre canton… Puisse-t-il amener nos amis à se passionner plus encore pour notre belle région…

faience_pieta
Pietà (Saint-Ours)


Noël Bouchard, fils de Jacques Bouchard, quincaillier à Chambéry, fonda, vers 1730, à Saint Ours, au lieu dit « La Forest » une faïencerie dont les frais d’installation s’élevèrent à la coquette somme de 80 000 livres.
Le Roi de Sardaigne lui accorda, par lettres patentées du 23 Janvier 1730, le monopole de vente, l’exemption de nombreux impôts, ainsi que des facilités pour l’achat du sel et du plomb nécessaires aux vernis.
Noël Bouchard adjoignit un magasin de faïence à son commerce de quincaillerie de Chambéry. Après quelques années, son fils Jean Marc lui succéda, et les privilèges accordés par le Roi de Sardaigne furent prorogés en 1749 pour 15 ans, et en 1763 pour 10 ans…
Noël Bouchard n’avait que peu de compétences dans la fabrication des faïences ; aussi est-il probable qu’il utilisa les services de techniciens de Nevers, grand centre de fabrication, mais qui, à l’époque de la fondation de la Forest avait, par suite de la multiplication excessive de ses ateliers, été victime à la fois d’une crise de chômage et de la limitation du nombre des entreprises…
Il ne semble pas que l’on ait retrouvé des pièces attestant un style particulier à la Forest ; la faïencerie imitait des œuvres de provenances diverses (Nevers, Moustiers, faïenceries italiennes, etc…). La plus grande partie de la production était celle d’objets usuels, plats et assiettes, uniquement en faïence jusque vers 1770, parfois en porcelaine à partir de cette date.

faience_manganese
Faïence « manganèse » (collection particulière)

En 1797, Pierre-Amédée Bouchard constitua, avec son beau-frère Jo Dimier et Marguerite Dimier, la Société Bouchard et Dimier, aux fins de poursuivre l’exploitation de la faïencerie… Mais cette société fut éphémère : le 21 vendémiaire an VII (13 Octobre 1798), Jo Dimier en réclama la dissolution.
Avait-il accepté de former une société avec son beau-frère pour connaître les « secrets » de fabrication ? Ou bien, les deux beaux-frères ne purent-ils s’entendre ? Toujours est-il que Jo Dimier s’installa à Hautecombe, ancienne abbaye devenue bien national, où il fonda sa propre faïencerie, qui fonctionna de 1799 à 1804, époque à laquelle il fit faillite, ce qui entraîna la disparition de la faïencerie de Hautecombe.
Un procès opposa Pierre-Amédée Bouchard, qui poursuivait l’exploitation de la Forest, et Jo Dimier.
Ce procès entraîna de gros frais, et fut, semble-t-il, une cause importante de la faillite de Bouchard, dont les biens furent saisis, et finalement vendus le 21 Novembre 1812.
Monsieur de Saint-Martin, notaire chambérien, se rendit acquéreur de la faïencerie, pour la somme de 44 425 Francs, tandis que Bouchard allait demander asile à un beau-frère, Monsieur Rosset d’Albens.

faience_brochet
Faïence polychrome « Au Brochet » avec trois petits bonshommes pêcheurs (collection particulière)

La faïencerie fut alors dirigée par le notaire, aidé d’un « tourneur » (ouvrier faisant fonctionner le tour du potier) ; mais elle ne put se rétablir, et disparut promptement… Le musée de Chambéry possède en effet une assiette de faïence portant l’inscription « La Forest, 1814 »… Cette pièce constitue la dernière preuve de l’existence de la fabrique. D’autre part, vers 1816, Monsieur de Saint-Martin fit pulvériser les moules en gypse, pour engraisser ses champs de trèfles…

Actuellement, aucune trace de la faïence ne subsiste ; seule, la mémoire de certains habitants du hameau permet de situer l’endroit précis où se trouvaient les bâtiments.
Par contre, des traces de la production existent… Diverses pièces sont exposées dans les musées d‘Aix et de Chambéry.
À Aix, en particulier, on pourra voir quelques plats et assiettes, produits de la Forest. On admirera en particulier une très belle assiette en porcelaine ; toutes les pièces exposées sont soigneusement mises en valeur.
Une brochure, due à Monsieur le Curé de St Ours, et datée de 1980, permet de vérifier que des pièces plus « nobles » étaient produites :
– Une « Pesta » (Pieta) représentant le Christ mort, entre les bras de sa Mère ; le Comte de Loches lui trouve « un peu de gaucherie dans le modelage et l’attitude des personnages, mais les couleurs sont vives, l’émail bon, et l’on retrouve dans l’ensemble de la composition un peu de cette naïveté qui distingue les tableaux de Giotto et du Pérugin ».
– Un curieux petit moutardier, propriété de M. Rosset, notaire à Albens… « Ce moutardier est fait d’un tronc d’arbre, au pied duquel est un berger, dans une attitude peu pastorale, mais assez analogue avec le contenu du récipient » (Comte de Loches).

Enfin, et si l’on écarte provisoirement, dans cette étude, les pièces du musée de Chambéry, il faut ajouter qu’il y avait peut-être, suite à une campagne de fouilles menée il y a assez longtemps, des tessons provenant de la Forest, entreposés en musée d’Aix…

faience_platabarbe
Plat à barbe en faïence (collection particulière)

Amis de Kronos et de notre belle région, n’entreprendrez-vous pas, avec nous, un travail de recherche, pour apporter votre contribution à la connaissance de pièces, plus ou moins belles, plus ou moins nobles, qui survivent vraisemblablement encore, peut-être dans les greniers, peut-être soigneusement suspendues ou précieusement posées sur quelque vieux meuble…

J. Caillet
Article initialement paru dans Kronos N° 2, 1987

Conférence 19/04 : l’église de la Biolle, architecture et histoire

Mardi 19 avril 2016, au centre culturel des Trois-Bouleaux de la Biolle, se tiendra à 20h30 une conférence sur l’église de la Biolle, son architecture et son histoire, donnée par Véronique Dohr, architecte urbaniste, et Henri Billiez, membre de Kronos.
Ce sera également l’occasion de découvrir le dernier numéro de Kronos, pour ceux qui ne l’ont pas encore découvert.

Venez nombreux !

Assemblée Générale 2016 : vendredi 1er avril

Kronos vous invite à fêter ses 30 ans lors de son Assemblée Générale le Vendredi 01 avril 2016 à 20h30, à la salle Chantal Mauduit (salle polyvalente) à Albens.

À l’issue de l’ Assemblée Générale, Monsieur Louis Mermin donnera une conférence :

« L’accueil des blessés et réfugiés en Pays de Savoie 1914-1918 »
photoAG2016

Entrée Gratuite – Pot de l’amitié – Gâteau d’anniversaire
Venez nombreux !

Le château de Montfalcon

C’est sur un mamelon isolé de la commune de la Biolle que s’élèvent les ruines du château de Montfalcon ; situées au sud-ouest d’Albens, cette position domine au nord le vallon de l’Albenche et à l’est, toute la vallée de l’Albanais et même au delà puisqu’au sud-est, l’on devine dans le lointain, Aix-les-Bains, Chambéry et la combe de Savoie. C’est du reste, le fait que cette position était située entre la grande route venant de Rumilly et Annecy par Albens sur Chambéry et le débouché des cols conduisant sur le lac du Bourget via la Chautagne qui lui a conféré au moyen-âge une réelle importance.

blason_pierre

Le fief de Montfalcon comprenait dans l’Albanais, Saint Germain, La Biolle, Albens et Saint Girod. Il entre dans l’histoire avec la famille de ce nom. En 1084, Gautier et sa femme Bulgrade fondent le prieuré de Saint Innocent sur le lac du Bourget. On retrouve Bompair, fils de Gautier, dans un acte concernant l’abbaye d’Aulps, peu avant 1113, puis Willelme, chevalier en 1149, Berlion en 1173, Girard en 1225, Gautier en 1287, etc… La première mention du château date du 12 janvier 1252, jour où la comtesse de Savoie achète tous les biens provenant de Bernard Farguil de Montfalcon. Dans son testament du 7 mai 1268, Pierre de Savoie donne à sa fille Béatrice ses biens du Genevois, sauf les droits à Seyssel et à Montfalcon. La terre et le château passent ensuite à ses nièces, filles de la comtesse de Provence, Aliénor, femme d’Henri III, roi d’Angleterre, et Marguerite, femme de Louis IX, roi de France. Mais elles déclarent le 19 juin 1275 que ces biens ont fait retour aux enfants de Thomas de Savoie, comte de Flandre.

ruines_montfalcon

Ainsi, la suzeraineté sur ce château semble avoir appartenu très tôt à la maison de Savoie. Dans l’accord entre les deux frères, le Comte Amédée et le Comte Louis, en 1286, ce dernier remet Montfalcon à Amédée. Pour compliquer le problème de la suzeraineté de ce château, nous voyons, en 1305, le Comte Amédée II de Genève en faire hommage lige à l’évêque de Genève Aimon du Quart. Comment lui était-il parvenu ? Guillaume III, comte de Genève, prête hommage de nouveau en 1313 à l’évêque Pierre de Faucigny, avec d’autres fiefs, pour ce château.

blason_dessin

Il y avait certainement une indivision pour la possession de ce fier car, en 1327, le dauphin de Viennois fait un accord avec Humbert de la Balme, chevalier, au sujet du château de Montfalcon et de sa juridiction, mais il s’agit ou bien d’un autre Montfalcon ou d’une des seigneuries dans le château. Les la Balle avaient en effet des biens à Montfalcon.

Pendant le début de la guerre féodale, l’évêque rapporte que Guillaume de Genève, en 1329, montant dans les Bornes, au lieu dit le « Bois Noir », vit au loin brûler à Montfalcon, le « rafour », soit le four à chaux, appartenant au comte de Savoie, incendie allumé par Hugues de Genève. Ceci se passait après la destruction du château de Genève et l’évêque déclare que le comte de Genève ne tenait pas à faire la guerre au comte de Savoie, car il s’était entendu avec lui au sujet de son château. À l’extinction des comtes de Genève et après l’acquisition du Genevois par Amédée VIII, Montfalcon revient entièrement à la maison de Savoie.

plan_blondel
Châteaux de l’ancien diocèse de Genève, Louis Blondel, 1956, Genève, société d’histoire et d’archéologie.

À côté de la suzeraineté comtale sur le château et son bourg, il existait plusieurs seigneuries dans ses murs. Leur histoire et leur succession forment un écheveau difficile à débrouiller. Cependant, nous voyons, et cela est prouvé par l’état des lieux, que, à côté du donjon comtal où siégeait le châtelain en A, il existait en B une tour qui, pour finir, est revenue aux Allinges, marquis de Coudrée. Cette tour était le centre de la seigneurie provenant des Montfalcon. Comme ailleurs, la famille originale avait conservé une maison forte à côté du château, siège du souverain. Les Montfalcon la possédaient déjà en 1236. Martin et Girard, frères, sont investis de ce fief en 1329, 1343 et 1346. En 1326, Aymon, damoiseau, vend des biens à Pierre de la Balme entre autres illud bastimentum, soit une construction fortifiée, laquelle devait être élevée derrière sa maison de Montfalcon.

Cet acte est approuvé par Pierre de la Ravoyre, Châtelain de Montfalcon, pour Pierre de Savoie, archevêque de Lyon et seigneur dudit Montfalcon. On voit donc que le château dans son ensemble était devenu un apanage dévolu à divers membres de la famille de Savoie. On retrouve dans la région, des Montfalcon avec des biens et maisons fortes jusqu’au XVIe siècle ; il n’est pas certain que toutes ces maisons étaient situées dans le château même. Le sommaire des fiefs indique que le baron de Montfalcon et Antoine, son frère instituent le duc Charles comme héritier en 1504. Aux Montfalcon succèdent les Mouxy qui avaient déjà une maison dans le château à la fin du XIVe siècle (1392). Les d’Orlier possédaient aussi un fief en 1344 et 1447 avec maison forte dans « les closures » du château et au « molard » de Montfalcon, mais il n’est pas certain que cela soit le même que celui des Mouxy. Le fief principal, semble t-il, est inféodé ensuite le 24 mai 1488 à Anselme de Miolans, seigneur de Montfort, comte de Montmayeur, en échange avec Cusy. Dès ce moment, il y eut des indivisions qui causèrent dans la suite d’interminables procès, car les Miolans auraient cédé en 1525 ce fief à Louis de Gallier, seigneur de Breyssieu, et n’auraient été remis en possession du château qu’en 1536, trouvant cependant « la porte de la tour close ». Ce qui est certain, c’est que Louis Odinet, baron de Montfort, comte de Montréal, fut investi de ce fief vendu par le duc le 24 avril 1566 (inféodations en 1566 et 1571). Par héritage, ce fief passa à Georges de Mouxy en 1583, puis, par Jeanne-Gasparine de Mouxy, à son mari Louis de Seyssel de la Chambre en 1629 et par Enriette de Seyssel à son mari Jacques d’Allinges, marquis de Coudrée en 1655. Le marquis Joseph d’Allinges consigne ce fief en 1753. Les dates varient suivant les auteurs, car il y a des différences considérables entre la date des inféodations et la consignation des fiefs. Cette seigneurie concerne la parcelle de la tour B et non de la tour comtale A qu’on appelait peut-être la « tour des prisonniers ». Pour la tour A, nous savons qu’au XVIIIe siècle elle appartenait à Guillaume-Joseph d’Oncieu, comte de Douvres, son grand-père François, au XVIIe siècle, avait déjà une maison-forte à Montfalcon ainsi que son oncle Rd. Adrien, mort en 1675, qui y possédait des rentes. Il nous semble probable qu’ils l’ont eue par les Mouxy et les Odinets et qu’au XVIe siècle, les ducs de Savoie ayant remis à ces familles cette seigneurie, celle-ci a été divisée en deux parties avec les deux tours distinctes. Il n’y a aucun renseignement sur la destruction du château et du bourg. Mais il est vraisemblable que cette destruction a eu lieu au XVIIe siècle par les armées françaises. Près du Château il y avait une chapelle dédiée à Saint-Antoine.
Montfalcon dépendait d’Albens au point de vue paroissial, la Biolle n’étant qu’une filiale d’Albens.

L’enceinte générale, très visible et haute de plusieurs mètres à l’est, est reconnaissable sur tout le pourtour, sauf une partie au nord. Elle dessine un polygone irrégulier suivant le haut des déclivités de ce mamelon, de forme ovalaire. Les pentes ne sont rapides qu’à l’ouest, point culminant de la position. On distingue bien une tour ronde, face à Albens, avec la trace des fossés. L’entrée est au haut du chemin venant du hameau de Montfalcon, dans l’angle méridional, mais la porte a disparu. Il y avait deux divisions dans la partie basse, le bourg, plus exactement le plain-château, car on ne parle jamais de bourg, et dans la partie haute, l’enclos du château, comprenant le donjon, avec le logis comtal « A », et l’ancienne tour des Montfalcon en « B ». En haut de la position, il existait encore une tour « C » qui peut être inféodée à une famille seigneuriale. L’entrée du château avait lieu par un passage au nord du donjon.

La grande tour A ou donjon, en partie conservée, sauf une large brèche au levant, présente une construction importante avec deux étages sur rez-de-chaussée. Ses dimensions sont de 11,10 m sur 11,10 m. Ses murs montrent de nombreuses réfections, avec parements en molasse à partir du second étage. Ce revêtement n’a été effectué qu’aux faces extérieures, excepté au couchant, du côté du logis, maintenant détruit. Les assiettes inférieures en appareil petit à moyen, de 0,15 m à 0,30 m, sont de tradition romane, de la fin du XIIe siècle, plus probablement du début du XIIIe siècle. On remarque au sud une fenêtre en plein cintre. À l’angle nord-ouest, il y avait une très petite tourelle en saillie, sans doute pour une échelle ; aucune voûte, les étages reposant sur des planchers.

inscription

On a trouvé des inscriptions romaines et des pierres antiques réemployées, elles proviennent certainement d’Albens.

La tour B des seigneurs devait être moins importante, environ 8 mètres sur 10 mètres ; il n’en reste que quelques murs. On distingue mal le plan de la tour « C » effondrée et couverte de végétations. Avec le bourg contenant des maisons seigneuriales, le donjon comtal s’élevant au centre, ce château de Montfalcon devait avoir un aspect important.

Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986

Conférence sur Guido Gonin le 9 février 2016

Guido Gonin, une célébrité artistique d’Aix-les-Bains à la Belle époque.

Né à Turin en 1833, Guido Gonin va traverser tous les bouleversements politiques, sociaux et artistiques du XIXème siècle.
À partir des années 1890, il participe activement à la vie culturelle d’Aix-les-Bains, dessine les armoiries de la ville, prend la cyclamen comme « signature » de ses œuvres aux accents Art Nouveau.
Excellent dessinateur de mode à Paris, caricaturiste, aquarelliste, il est très sollicité durant la saison estivale par la bonne société d’Aix-les-Bains où il décèdera en 1906.

guidogonin

Cette conférence illustrée par une centaine de diapositives vous fera découvrir les multiples facettes de cet artiste qui fut surnommé « le peintre du cyclamen ».

Invité par l’Accueil des Villes Françaises, Jean-Louis Hébrard, de la société d’histoire Kronos, interviendra le Mardi 9 février à 14h30 au Palais des Congrès d’Aix-les-Bains.

Conférence « Albens, de l’Antiquité au Moyen-Âge » le 27 novembre 2015

Le vendredi 27 novembre 2015, Kronos vous propose une conférence de Rodolphe Guilhot, professeur d’Histoire-Géographie et membre de Kronos, consacrée à « Albens, de l’Antiquité au Moyen-Âge ».

conf_albens_sceneIllustration Pierre Joubert

Le passé antique d’Albens, bourgade gallo-romaine sous le nom d’Albinnum, est déjà connu grâce à quelques vestiges, dont certains visibles à l’espace patrimoine de Kronos. En revanche, le devenir de cette bourgade antique après la disparition de l’empire romain (Ve siècle) est beaucoup plus obscur, même s’il existe là aussi des vestiges tels que des monnaies mérovingiennes (VIIe siècle).

conf_albens_monnaie

À l’aide des quelques données historiques existantes et des résultats de fouilles archéologiques, nous évoquerons au cours de la soirée quelle a pu être la vie quotidienne à Albens entre la fin de l’Antiquité et le début Moyen-Âge, une époque méconnue mais pourtant pleine de surprises.

À 20h, au Centre administratif René Gay, à Albens. Entrée libre et gratuite.