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Évènements dans l’Albanais : tour de France et compétitions locales

Chaque été, à partir de 1931, c’est le tour de France qui soulève la ferveur du public local. En effet, jusqu’en 1936 les champions vont s’affronter tout au long des 210 kilomètres de l’étape Évian-les-Bains à Aix-les-Bains avec ascension du col des Aravis et de celui de Tamié, descente sur Annecy puis traversée de l’Albanais par Alby-sur-Chéran et Albens pour une arrivée dans la station thermale savoyarde.

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Sur ce dessin réalisé à partir d’une photographie prise en 1934 lors du passage du tour de France à Alby-sur-Chéran, les spectateurs massés le long du pont assistent à l’empoignade entre les huit coureurs échappés du peloton à 20 kilomètres de l’arrivée. Il y a ce jour-là du beau monde dont le maillot jaune, le célèbre Antonin Magne avec ses équipiers Vietto le meilleur grimpeur et Speicher portant son tout nouveau maillot de champion du monde. C’est lui qui remportera l’étape à Aix-les-Bains. Ce n’est pas « son jour » pour un autre français, le breton René Le Grevès qui va accumuler les ennuis. Il casse une pédale dans la montée du col des Aravis et doit attendre le secours du camion atelier pour repartir. Sa roue libre l’ayant lâché dans le col de Tamié, il doit à nouveau réparer. Une dernière crevaison, le voilà rétrogradé à la 43ème place du classement général, lui qui avait quitté Évian à la seconde place. Malgré tout, notre équipe nationale va particulièrement briller cette année là puisque ses coureurs remporteront la plupart des étapes. Interprétée par Jean Cyrano, une chanson de l’époque « Les champions de la route » campe ainsi l’engouement que provoque le tour : « On vient d’annoncer dans le patelin que le tour va passer, et dès le petit jour la foule accourt sur le parcours, pour saluer les gars du tour de France d’un encouragement plein d’espérance ». Plus loin, c’est la vaillance des coureurs que l’on évoque : « Et pendant des jours, luttant sans cesse, poussant toujours, ils vont affronter sans hésiter l’adversité, la poussière, les montées, les descentes, les Pyrénées, les Alpes puissantes… ». Interprétée à l’accordéon par Fredo Gardoni, cette chanson devient même la marche officielle du tour dont on peut aujourd’hui écouter une version en ligne. Le cinéma contribue lui aussi à faire revivre les péripéties de la « grande boucle ». C’est le cas fin décembre 1934 au « Foyer Albanais » où l’on projette en plus du grand film et en complément exceptionnel « Le Tour de France cycliste 1934 » édition complète, comme le précise le Journal du Commerce.

À l’époque, l’engouement pour la bicyclette auprès de la jeunesse peut être comparé à celui que provoque le foot aujourd’hui. Aussi voit-on fleurir partout en France mais aussi dans les grands pays cyclistes (Italie, Belgique, Suisse…) les clubs, les associations cyclistes. La Savoie, la Haute-Savoie, l’Albanais ne font pas exception. Les coureurs du Vélo Club de Chambéry se signalent particulièrement dans les compétitions locales suivis par ceux de l’Association cycliste aixoise, du Club cycliste d’Annecy et des coureurs du club d’Annemasse.
La presse locale se fait l’écho de ces compétitions cyclistes qui aux beaux jours animent les fêtes dominicales. C’est le cas pour la course organisée à l’occasion de la vogue d’Albens le dimanche 6 juin 1937. Trente-huit coureurs se sont inscrits au « Challenge Fontaine » qui se dispute sur un parcours de 60 kilomètres. Une épreuve organisée par l’Association cycliste Aixoise avec l’aide de l’Union sportive albanaise pour laquelle les engagés ont déboursé 5 francs. Après la remise des brassards à 14h, le départ est donné par le maire d’Albens une heure après devant la gare. Le peloton s’élance vers la Biolle , Grésy-sur-Aix et Corsuet. Là, les cyclistes vont se diriger vers la vallée du Chéran via Épersy, Saint-Ours, Cusy jusqu’à traverser la rivière au pont de Banges.

Le réseau routier emprunté par la course (archive privée)
Le réseau routier emprunté par la course (archive privée)

Le retour va s’effectuer par Gruffy, Alby, Marigny, Rumilly et Bloye. L’arrivée est jugée devant les écoles à Albens. Fiesch et Pesenti du club de Chambéry remportent la course en 1h40, suivi à une minute par Savi Dino d’Annemasse. Les prix seront remis vers 17h15 à la mairie. Les dix premiers vont empocher des sommes allant de 150 à 20 francs pour les derniers.
Les belles machines des coureurs font l’admiration de la jeunesse qui rêve de posséder un de ces engins perfectionnés avec dérailleur et vitesses multiples.
Et lorsque le jeune espoir local Louis Coudurier gagne « une superbe bicyclette de course… gros lot de la tombola de l’US Brison », le Journal du Commerce rappelle aussitôt ses « brillants débuts dans le Premier Pas Dunlop » et souhaite « le voir bientôt dans les épreuves régionales ».

Publicité parue en 1924 dans le Journal du Commerce
Publicité parue en 1924 dans le Journal du Commerce

L’usage quotidien de la bicyclette devient monnaie courante auprès des classes populaires de l’époque. Les congés payés mis en place en 1936 vont amplifier le phénomène. C’est au cours de ces années que la circulation des vélos sur les routes nationales atteint le chiffre record de 1100 par jour. Dans tous les bourgs et villes, associés ou non à un garage automobile, des magasins de cycles voient le jour. Ils offrent un grand choix de marques dont beaucoup sont d’origine française. Ce n’est pas par hasard si la bicyclette est alors surnommée de façon affective la « petite reine ». C’est elle que l’on retrouvera en service durant les années noires qui s’annoncent, dans le flux des populations qui se presseront sur les routes de juin 1940 puis durant toute l’Occupation. Avec les années 50 et l’entrée dans l’ère de la consommation de masse, son usage quotidien régressera. Aujourd’hui, avec assistance électrique ou pas, le vélo semble être à nouveau un mode de déplacement d’avenir.

Jean-Louis Hébrard

Tempête politique autour d’un monument aux morts

Le début des années 20 ouvre le temps de la célébration des soldats morts pour la France. Nous avons plusieurs fois abordé ce sujet sous l’angle de l’émulation communale, du financement et des inaugurations.
Un article publié dans le « Travailleur savoyard » va nous permettre de découvrir un regard polémique sur ces célébrations. Le journaliste donne le contenu d’un discours qui, à l’occasion de l’inauguration d’un monument aux morts, n’a pas pu être lu du fait de ses contenus polémiques visant « les admirateurs de la bourgeoisie ».
Différents passages du discours constituent une véritable charge contre « le politiquement correct du moment », l’auteur opposant une vision très engagée à celle plus consensuelle des autorités et du clergé.
« Prolétaires sacrifiés, chers disparus » déclare-t-il « je m’incline très bas en vous apportant à ce premier rendez-vous la reconnaissance à jamais inoubliable que nous vous devons, nous les survivants, douloureuses épaves de la guerre maudite ». On est loin des propos tenus par le maire d’Albens sensiblement à la même époque rendant « hommage aux glorieux combattants qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la défense du sol de la France, à ceux qui, rescapés de cette effroyable guerre, ont vu se lever le soleil de la victoire ».
Pour l’auteur de ce discours, la guerre est totalement à maudire car « abattoir des classes laborieuses », elle est une véritable « tuerie » débouchant toujours sur « d’horribles carnages ». Il dénonce ensuite le bourrage de crâne, les motifs fallacieux qui furent mis en avant pour conduire les peuples et l’Europe au suicide : « nous avaient-ils assez répété, nos gouvernants incapables que nous nous battions pour le droit, pour la civilisation et leur justice, que c’était la dernière guerre, que ce serait le désarmement général comme ils ont essayé de vous faire croire au cours de leur cérémonie macabre ».

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Quel contraste avec les propos du maire de La Biolle qui « après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles l’ennemi fut contraint de demander l’armistice, rend hommage aux glorieux combattants qui ont été les artisans de la victoire, ainsi qu’au grand patriote Poincaré, qui continue si vaillamment leur œuvre accomplie au prix de tant de sacrifices ».
Reprenant son discours, l’orateur donne une description très forte de la société des « années folles » opposant « les rescapés, les veuves, les orphelins… les milliers de chômeurs involontaires mourant de faim » à tous « les enrichis de la guerre, les impitoyables mercantis de la mort »e c’est-à-dire les profiteurs de guerre que l’on voit « passer dans de luxueuses autos vers Chamonix et Aix-les-Bains ».

Publicité des années 20 (archive privée)

Après la bourgeoisie, c’est au tour du clergé d’être vilipendé. L’orateur clamant ne vouloir plus entendre « les patriarches du bénitier et de la bande noire mettre dans la bouche de nos morts les mots d’héroïsme, de panache, de furie guerrière, souillant ainsi de leur bave répugnante la dépouille de leurs victimes ». Cet anticlérical a du être exaspéré par des interventions comme celle du chanoine Monard, supérieur du Collège de Rumilly qui « dans une belle envolée glorifie les victimes de la guerre qui reçoivent la récompense due à leur sacrifice » ou celle de l’abbé Chavanel qui à Cessens « après avoir rappelé les actes de foi religieuse dont il a été témoin durant la guerre, demande que l’on ne se contente pas de glorifier les morts en leur élevant des monuments, mais en songeant à leur âme et en priant pour eux ».
L’auteur de l’article semble bien connaître la région. « Le Travailleur savoyard » qui lui ouvre ses colonnes est un hebdomadaire fondé en 1907 par la section locale du parti socialiste (SFIO). Mais au moment du congrès de Tours (décembre 1920), la majorité des délégués de la Savoie et de la Haute-Savoie votent l’adhésion aux idées portées par la révolution russe. Le parti communiste qui se constitue alors conserve le journal le Travailleur savoyard. « Deux ans et demi après l’armistice » précise le journaliste, c’est-à-dire en 1921, les communistes sont bien implantés dans les agglomérations savoyardes mais rencontrent des difficultés pour toucher le monde rural. Il n’est pas certain qu’en signant « Le Paysan bolchevick », en appelant à se rassembler « autour du drapeau rouge, pour la cause sacrée des Travailleurs avec Moscou-la-Rouge », il parvienne véritablement à l’atteindre. Sans doute compte-t-il plutôt sur l’argumentaire pacifiste qu’il développe plusieurs fois en faisant référence à l’actualité du moment. Sur « le Rhin » dit-il, le « canon gronde encore », évoquant à mots couverts l’affaire de la Ruhr qui vient d’éclater en juillet 1921.

Les réparations – almanach Hachette année 1924 (archive privée)
Les réparations – almanach Hachette année 1924 (archive privée)

Face à ce regain de tension initié par le président Poincaré « l’homme du militarisme », le journaliste invite tous les hommes de la terre à partager des croyances qu’il énonce avec force : «  nous croyons invinciblement que la science et la paix triompheront de l’ignorance et de la guerre, que les peuples s’entendront, non pour détruire, mais pour édifier ». Des propos qui devaient entrer en écho avec tous ceux qui avaient lu l’ouvrage d’Henri Barbusse « Le feu » et qui espéraient avoir vécu la « Der des Ders ».

Jean-Louis Hébrard

AG 2019 et conférence

Kronos vous invite à son Assemblée Générale, qui aura lieu le vendredi 29 mars 2019, à la salle des fêtes d’Épersy, à 20h.

À l’issue de l’AG, M. Guillaume Veillet, ethno-musicologue, donnera une conférence « L’Albanais en musique et chansons ».

Elle sera suivie par le verre de l’amitié. Venez nombreux !

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Les habitués du cimetière

Au terme de la première guerre mondiale, « la Der des Ders », les communes furent invitées par l’État en 1919 à commémorer et glorifier les morts pour la France par l’édification de monuments et par la tenue d’un livre d’or portant les noms des morts de la commune. C’est en novembre 1921 que fut inauguré au sein du cimetière celui de la commune d’Albens. Les plus attentifs ont certainement remarqué les noms de deux soldats de la commune décédés en 1914 et rajoutés en fin de liste sur le Monument aux Morts. Qui étaient donc ces deux soldats et pourquoi n’ont-ils pas été intégrés directement à la liste au moment de l’inauguration du monument le 1er novembre 1921 ?

Il y a tout d’abord Antoine Martin, fils de François et Louise (née Genoux, originaire de Boussy). Né en 1874 à Albens, il effectue son service militaire à Lyon au sein du Régiment de Dragons puis de l’Escadron du Train des Équipages entre novembre 1895 et octobre 1898 avant d’en sortir avec son certificat de bonne conduite accordé. Passé dans la réserve de l’armée active, il accomplit deux mois supplémentaires d’exercices militaires en novembre 1901 puis octobre 1908. Revenu dans la vie active, il habite successivement à Rumilly, Alby-sur-Chéran, Annecy, Aix les Bains – et exerce le métier de boucher – avant de revenir vivre chez ses parents à La Paroy où il retrouve son frère missionnaire que nous évoquions dans un article précédent (Hebdo des Savoie n°964). Une semaine avant de fêter son quarantième anniversaire, la mobilisation générale est décrétée et il rejoint le 14ème Escadron Territorial du Train à Lyon en août 1914. Le 26 septembre suivant, sa fiche militaire indique qu’il décède à l’hôpital Desgenettes des suites d’un accident survenu en-dehors du service, il est alors enterré au cimetière de la Guillotière de Lyon. Le fait qu’il soit décédé en dehors du service est-il la cause de son rajout tardif sur le Monument aux Morts, sa famille ayant peut-être cherché à le faire reconnaître comme « Mort pour la France » ? Présent sur le livre d’or de la commune adressé au Ministère des Pensions, son nom est barré en 1929 avec la notification de « radiation d’office ». Pourtant, en 1957, lors de la création de la Nécropole Nationale de la Doua à Villeurbanne, Antoine Martin y est enterré avec une tombe portant la mention « Mort pour la France ». D’autres patronymes du monument sont dans la même situation. Environ 100 000 soldats français sont déclarés « Non Morts pour la France », parmi ceux-ci on retrouve des soldats décédés des suites de maladie, de blessures, des suicidés, des fusillés, des accidentés, des décédés en prison, …

Les deux noms ajoutés sur le Monument aux Morts et la tombe d'Antoine Martin à la Doua
Les deux noms ajoutés sur le Monument aux Morts et la tombe d’Antoine Martin à la Doua

Le second nom rajouté tardivement sur le Monument aux Morts est celui de Guillaume Pianta, né en 1887 à Futenex. Petit-fils d’émigrés lombards plâtriers, Guillaume a déjà perdu ses deux parents lorsqu’il s’en va effectuer son service militaire en octobre 1908. Il fera lui aussi partie du 14ème Escadron du Train des Équipages avant de rejoindre le 99ème Régiment d’Infanterie jusqu’à la fin de son service en septembre 1910. En mai 1913, alors qu’il est désormais maçon, il se réengage dans l’armée au sein du 4ème Régiment d’Infanterie Coloniale au Maroc puis au 9ème Bataillon Colonial du Maroc et participe aux violents combats opposant l’armée française aux guerriers marocains insoumis. Lorsque la mobilisation générale est décrétée le 1er août 1914, « le journal des marches et opérations du Bataillon » (archives consultables sur internet) permet de suivre au jour le jour le départ des troupes pour la France puis son entrée dans le conflit mondial. Le 28 août 1914, « La Bataillon se replie et prend position entre Dommery et la Fosse‑à-l’eau (Ardennes). Vif engagement, feu violent de l’artillerie allemande. Malgré de fortes pertes, le Bataillon se maintient sur ses positions ». Le compte-rendu se poursuit avec le bilan des pertes, des blessés et des disparus. Guillaume Pianta fait partie de cette dernière catégorie, sa fiche militaire le faisant par contre figurer parmi les disparus du Marais de Saint-Gond dans la Marne (ajoutant « avis officieux »), cette bataille se déroulant du 5 au 9 septembre. C’est dans un jugement transcrit en septembre 1921 qu’il est reconnu comme « Mort pour la France » le 28 août 1914. Les inscriptions sur le Monument aux Morts avaient-elles déjà été effectuées avant l’inauguration du mois de novembre 1921, d’où son rajout tardif ? Dans l’Église d’Albens, son nom est également rajouté en bas de liste sur les plaques commémoratives. La volonté des familles qui espéraient encore un retour de ces enfants dont on avait perdu la trace ?

Un monument à la gloire de la division Marocaine à La Fosse-à-l'eau et le livre souvenir de leAssociation Kronos
Un monument à la gloire de la division Marocaine à La Fosse-à-l’eau et le livre souvenir de l’Association Kronos

Si Antoine Martin était un boucher déjà âgé au moment de la mobilisation générale, Guillaume Pianta était lui militaire, engagé dans la guerre au Maroc, il savait combattre. Pourtant, l’un comme l’autre firent partie des premières victimes de cette Grande Guerre, les mois d’août et septembre 1914 seront en effet les plus meurtriers, avec environ 200 000 morts. Le canton d’Albens paiera un lourd tribut à cette guerre avec « 239 Morts pour la France » officiellement.

Pourtant, d’autres soldats originaires d’Albens, « Morts pour la France », figurent dans le registre envoyé par la commune au ministère dans les années 20, ils ne sont cependant pas présents sur le Monument aux Morts d’Albens :
– Marius Abry, du 22ème Bataillon des Chasseurs Alpins, décédé à 33 ans à Wettstein (Haut-Rhin) en mars 1916. Son nom n’est a priori répertorié sur aucun monument.
– Léon Francisque Bel, 36ème Régiment d’Infanterie Coloniale, décédé à 32 ans en avril 1914 et enterré à la Nécropole Nationale de La Crouée dans la Marne. Son nom est présent sur le Monument aux Morts de la commune de Saint-Vincent-de-Barbeyrargues (Hérault) dont il était résident.
– Félix Joseph Buttin, militaire de carrière depuis son engagement à dix-huit ans. Lieutenant du 33ème Régiment d’Infanterie, décédé à 40 ans en avril 1916 et enterré à la Nécropole de Cerny-en-Laonnois dans l’Aisne. Son nom apparait à Annecy sur une plaque commémorative à l’Hôtel de Ville.
Ces quelques éléments permettent de comprendre que les noms affichés sur les Monuments aux Morts des communes de France ne sont pas forcément tous indiqués et que le nombre de victimes mortes pour la France est plus important qu’on ne le pense.

Une dernière curiosité à propos du Monument aux Morts d’Albens. Le nom de Joseph Metral y figure, cependant, selon les recensements, aucune famille de ce nom ne vivait à Albens et aucun soldat de ce patronyme originaire d’Albens n’est présent dans les archives de l’armée. Absent de la plaque commémorative dans l’Église d’Albens, il n’est pas non plus répertorié dans le document de la commune envoyé au ministère indiquant la liste des personnes inscrites sur le monument. Le mystère est entier concernant son identité.

Benjamin Berthod

Sur les routes de l’Albanais dans les années 20

Au sortir de la Grande Guerre qui fut une guerre mécanique, celle des moteurs, l’automobile allait connaître un essor considérable bouleversant les conditions de circulation d’autrefois. Automobiles, camions et motocyclettes sont de plus en plus au cœur des faits divers dont parle la presse des années 20/30. Nombreux sont alors les petits articles qui relatent des accidents parfois tragiques mais plus souvent surprenants et même chargés de drôlerie. Leur lecture nous permet de cerner les mutations en cours sur les routes de France, de Savoie et de l’Albanais au moment des « Années folles ».
Que peut bien nous apprendre cet article du Journal du Commerce publié en février 1922 sous le titre « Auto contre pylône » dont voici le contenu : « Lundi matin, une caravane d’autos transportant le cirque Bonnefoy, se rendant à Annecy, a traversé la commune d’Albens au moment du marché. Voulant éviter un groupe de femmes, un des chauffeurs donna un coup de volant à gauche et vint heurter le pylône portant les fils électriques, qui fut transformé en S. Fort heureusement aucun des fils ne fut cassé, car on aurait eu à craindre des morts parmi la foule dense qui se pressait autour des étalages ».

Albens, le marché se tient dans le carrefour (archive privée)
Albens, le marché se tient dans le carrefour (archive privée)

Ici, c’est la cohabitation entre les piétons et les véhicules à moteur qui est à la source de l’incident. Très vite, la question de l’affectation de la route va être soulevée.
Sur une carte postale de l’époque nous voyons ce marché, les étalages tout autour, les clients et clientes qui traversent l’espace central, c’est-à-dire le croisement des routes qui comme aujourd’hui se dirigent vers Annecy, Rumilly, Aix-les-Bains. En 1922, « une foule dense se pressait autour des étalages » quand le cirque allant à Annecy est arrivé, avec les conséquences qui s’en suivront.
L’article est aussi révélateur des « imprévus » que peuvent rencontrer les automobilistes et des difficultés à y faire face. Dans un monde encore très rural, il y a au rang de ces « surprises » toutes les présences animales. « Voulant éviter une poule et ses poussins », un motocycliste cause un accident près de La Biolle tandis qu’aux Près Rues, vers Albens, ce sont des vaches qui s’étant débarrassées de leurs conducteurs « allèrent se jeter dans une voiture ». Des chiens qui traversent soudainement et se font accrocher par les automobilistes valent à ces derniers le qualificatif d’« écraseurs d’Albens ». Il y a encore tous les attelages dont la lenteur est source de problèmes : chariot attelé de deux vaches, char de bois, ou encore cette voiture dont le cheval effrayé s’emballe allant presque « se jeter dans la barrière du chemin de fer ».

Moyens de transports anciens et récents cohabitent – La Biolle (archive privée)
Moyens de transports anciens et récents cohabitent – La Biolle (archive privée)

D’autres articles pointent les mauvaises conditions de visibilité. Véhicules, motocyclettes et bicyclettes n’étant pas toujours bien éclairés à la tombée de la nuit, piétons et cyclistes sont souvent victimes d’accident : « Dimanche soir, vers huit heures, M. Pegaz et sa dame… furent renversés par deux cyclistes marchant à folle allure et sans lanterne ». Rentrer très tard dans la nuit vous expose beaucoup : « Vers 1h3O, le nommé J. Gallina, domestique à Albens, rentrait chez son patron, venant de la vogue de Saint-Félix. En cours de route, il fut renversé par une voiture ».
D’autres fois, ce sont les conditions atmosphériques qui sont facteur aggravant. Ainsi en 1934 à hauteur du passage à niveau d’Albens où « pour éviter le cycliste et gêné par le brouillard, l’automobiliste a heurté un platane et a été blessé légèrement par les bris de glace ». À La Biolle, c’est une voiture qui écrase un chien alors qu’elle roulait « sans lanterne malgré la brume ». Dans la même commune, c’est « par suite d’un dérapage sur la route mouillée » qu’a lieu une collision entre deux conducteurs, l’un grenoblois, l’autre d’Annecy.
N’oublions pas de mentionner aussi tous les matériaux qui encombrent les bas-côtés et font capoter les véhicules. Ici c’est « un tas de sable » que le conducteur heurte au moment de dépasser, ailleurs le véhicule butte sur « un tas de cailloux placé en bordure de la chaussée ». Le plus souvent, les automobiles de l’époque, dont la direction n’est pas encore assistée et les pneumatiques aussi rudimentaires que les suspensions, viennent s’encastrer dans les arbres et les pylônes qui bordent routes et rues.

Entrée d'Albens, tas de cailloux et alignement de platanes (archive Kronos)
Entrée d’Albens, tas de cailloux et alignement de platanes (archive Kronos)

À travers les articles de presse, on découvre la violence de ces accidents comme à l’entrée de Saint-Félix en 1924 où « l’auto a sectionné au ras de terre un pommier de la route et s’est renversée sur le côté » et avant Albens, la même année lorsque « la voiture après avoir sectionné deux jeunes arbres plantés en bordure de la route, alla s’écraser contre un saule ». Les passagers en sortent plus ou moins secoués, au mieux éjectés comme en 1928 dans cette collision vers La Biolle où « l’autre véhicule alla heurter un poteau, projetant dans le pré voisin les quatre occupants ». Quand l’accident se passe en ville, les conséquences sont parfois spectaculaires, ainsi en 1937 dans le carrefour d’Albens où suite à la collision, la première voiture fait un tête à queue complet au milieu du croisement quand la seconde va « s’écraser dans la devanture du café Bouvier, la démolissant totalement et mettant en miettes chaises et tables placées sur le trottoir ». L’un des conducteurs, projeté hors de sa voiture « porte quelques contusions sans gravité. Après avoir reçu les soins de M. le docteur Bouvier, il a pu être reconduit à son domicile ». Le second conducteur « légèrement contusionné » subit le même traitement.
Nous sommes bien avant le port obligatoire des ceintures de sécurité mais aussi de la mise en place de secours organisés aux victimes de la route.
Les blessés sont rapidement transportés dans les hôpitaux d’Aix, de Rumilly ou d’Annecy par d’autres automobilistes lorsqu’il s’agit de contusions importantes à la tête, de poitrine enfoncée par le volant ou blessures à la face occasionnées par les glaces brisées. Souvent on fait appel pour les premiers soins aux médecins les plus proches, au docteur Bouvier d’Albens, au docteur Ronin d’Alby. Pour une plaie à la tête, c’est le pharmacien Brunet d’Albens qui prodigue les premiers soins et la recoud. Ecchymoses et écorchures sont traitées plus simplement avec retour au domicile. Parfois les auteurs d’accident ne se préoccupent pas du sort de la victime, ainsi en 1929, vers Saint-Félix où ils déposent le blessé « sur le bord de la route disant qu’ils allaient chercher du secours, mais la victime ne vit personne revenir ». Ce délit de fuite se transforme parfois en véritable « rodéo ». C’est ce que relate un long article du Journal du Commerce en 1934 : « affolé par l’accident, le chauffeur au lieu de s’arrêter, continua sa route pendant que des témoins prévenaient la gendarmerie qui se trouvait à quelques pas ». S’engage alors une course poursuite entre Albens et La Biolle où elle va se terminer. D’abord une auto d’Aix-les-Bains prend en chasse la voiture en fuite qu’elle tente vainement d’arrêter en la dépassant. Arrivent ensuite les gendarmes qui rejoignent le fuyard vers le sommet de la côte de La Biolle. Arrivés à sa hauteur et ne pouvant le stopper ils le dépassent et se mettent en travers de la route. Mais « le chauffeur ayant complètement perdu la tête et voulant essayer de passer quand même » finit par jeter sa voiture contre celle des gendarmes. Enfin arrêté, le chauffard est conduit au Parquet de Chambéry pour être placé sous mandat de dépôt et écroué. On apprend, la semaine suivante qu’il « a été condamné à un mois de prison sans sursis pour délit de fuite et blessure par imprudence et 5 francs d’amende pour infraction à l’arrêté municipal réglementant la vitesse ».

L'entrée de Saint-Félix (collection privée)
L’entrée de Saint-Félix (collection privée)

La vitesse excessive des véhicules est souvent mise en cause par les riverains qui sont parfois les victimes d’accidents mortels. Traverser la route à Saint-Félix, La Biolle, Albens se révèle très dangereux, d’autant plus lorsque l’on est enfant. C’est le cas au chef-lieu de La Biolle, en 1924, du jeune René, âgé de cinq ans « qui traversait la chaussée pour regagner le domicile de ses parents » et a été mortellement renversé par une auto. On explique alors le drame par « l’inexpérience de la victime à se garer au passage des autos », la famille n’habitant en bordure de la route que depuis huit jours.
Drames, accidents corporels, les plaintes ne cessent de s’accumuler au long des articles de presse. « C’est la troisième voiture qui, en peu de temps, vient s’écraser contre le même côté, toujours par excès de vitesse » à Albens en 1924. Quant à Alby-sur-Chéran, on espère que « l’accident arrivé à une bonne vieille de 84 ans, ces jours derniers, fera probablement quelque chose pour le Haute-Savoie ».
Désormais des réglementations seront prises : « La vitesse maximum de 12 kilomètres est prescrite à tout véhicule automobile dans la traversée de l’agglomération communale ».
Qui a dit que l’Histoire pouvait faire office de rétroviseur.

Jean-Louis Hébrard

Les fanfares reprennent du service

Partout dans l’Albanais, quand la démobilisation des poilus s’achève et que s’ouvre le temps des monuments aux morts, on voit les fanfares reprendre du service.
Dès novembre 1919, la fanfare de Gruffy est de sortie pour le défilé en l’honneur des démobilisés. La situation est identique deux ans plus tard à Albens pour l’inauguration du monument aux morts, les sapeurs-pompiers ouvrant la marche, « la fanfare jouant des marches funèbres » comme le précise le Journal du Commerce. À Saint-Félix en 1922, c’est la fanfare d’Alby qui prête son concours et à La Biolle ce sont les cliques de la commune qui exécutent les sonneries.
Ces formations musicales avec tambours et clairons comme à Albens interprètent selon les circonstances des marches militaires, plus souvent des marches funèbres, parfois une « andante » et bien sûr à la fin de la cérémonie l’hymne national. On est loin de la Belle époque quand la fanfare d’Albens donnait concert place de la gare avec au programme valse, marche, polka et mazurka.
Il faut dire que le XIXème siècle finissant fut une époque propice à leur essor. Plusieurs photographies les montrent en action comme à Rumilly où la fanfare défile dans la Grande rue à l’occasion d’une procession. Pour Albens, c’est le photographe chambérien Grimal qui saisit la fanfare à la fin d’une répétition dans la rue centrale vers 1910. Son histoire est mêlée à celle du corps des sapeurs-pompiers dont une boucle de ceinturon témoigne de son existence en 1847 mais c’est à la fin du siècle que l’on trouve vraiment mention de la fanfare dont le règlement vient d’être adopté en 1892. La compagnie comporte des tambours et clairons et se produit lors de la fête patronale sous la direction de Constant Ginet. Ce dernier, natif d’Albens, avait fait partie de la fanfare militaire lors de son service militaire dans l’infanterie alpine.
L’armée au même titre que l’école joue un rôle important dans la formation des hommes et des citoyens (les femmes étant alors exclues du vote mais pas de l’instruction). Quelle que soit la durée du service, c’est l’occasion pour les soldats d’apprendre des chants de marche et pour certains de s’initier à la pratique d’un instrument.

Les musiciens du 97ème RI (archive familiale)
Les musiciens du 97ème RI (archive familiale)

Aussi n’est-il pas surprenant de voir Constant Ginet poser devant l’objectif du photographe avec son instrument à son côté, un tuba ténor, instrument de la famille des cuivres appelé aussi euphonium. Libéré de ses obligations en 1904, c’est lui qu’on retrouve chef de musique de la formation albanaise. Il le restera jusqu’à la mobilisation générale d’août 14. Tué au front en 1915, la commune évoquera son souvenir lors de ses funérailles en 1922, le maire rappelant alors l’époque où « il dirigeait avec beaucoup de compétence et un dévouement inlassable notre chère fanfare ».

Constant Ginet et son instrument (archive familiale)
Constant Ginet et son instrument (archive familiale)

Que deviennent les compagnies de pompiers et leurs fanfares durant la Grande Guerre ? On se doute que toutes ces formations furent affectées par le départ massif des hommes de moins de quarante ans. Pour autant, ne fonctionnèrent-elles pas malgré tout en faible effectif ? C’est dans un article du Journal du Commerce publié fin avril 1919 que l’on trouve ces éléments de réponse : « Albens. La compagnie de pompiers, désorganisée depuis 1914, par suite de la mobilisation de la presque totalité de ses membres, étant en voie de reconstitution, les habitants voulant en faire partie devront se faire inscrire de suite à la mairie ». La fanfare se reconstitue vite. On y trouve bien vite Jean Ginet, démobilisé en 1920, et qui revient à Albens avec dans son bagage un piston acheté à Albi pour 130F. La formation participe à nouveau aux grands moments du village, prêtant en particulier son concours dès 1922 à la fête de la Rosière qui vient d’être créée. Désormais la fanfare s’étoffe et prend de l’ampleur. À la fin de l’année 1927, on la retrouve donnant un concert sur la place centrale sous la direction de son chef M. Pignol. Lors de son assemblée générale de 1929, le Journal du Commerce rapporte les propos tenus par son président M. Jean Ginet, qui se félicite du regain d’activité d’une formation dotée de bons musiciens et qui bénéficiant de l’arrivée d’une douzaine de jeunes élèves formera « un groupe de 35 à 40 membres qui, sous la direction compétente de M. Lafargue, fera de remarquables progrès ».
Et que dire de La Biolle, où une belle fanfare voit le jour à l’instigation du curé Mermoz. Elle semble avoir pris la succession d’une ancienne formation qui existait avant 1914. Dans un numéro de la revue Kronos, on peut admirer un cliché de cette fanfare nommée La Gaité. Elle donnera son premier concert à Pâques 1926. De telles photographies peuvent se rencontrer aussi dans la presse ou dans les archives locales comme à Gruffy où la fanfare, réunie en 1929 pour son cinquantenaire, a posé au grand complet.

 La batterie fanfare d'Albens lors du 11 novembre 2018 (cliché Kronos)

La batterie fanfare d’Albens lors du 11 novembre 2018 (cliché Kronos)

Ces ensembles musicaux ont pu connaître bien des vicissitudes au long du XXème siècle mais on les retrouve toujours bien présents lors de nombreuses célébrations comme dernièrement celle du centenaire de l’Armistice.

Jean-Louis Hébrard

Financer le monument aux morts

Élever des monuments à la gloire des soldats morts pour la France ne date pas de la Grande Guerre mais c’est avec cette guerre que l’idée d’en ériger dans toutes les communes s’est imposée très rapidement, comme si elle répondait à une sorte de nécessité évidente. La loi du 25 octobre 1919 qui les subventionne, écrit Antoine Prost dans « Les lieux de mémoire », est « antérieure aux élections qui installent la Chambre bleu horizon ». Elle est intitulée « Commémoration et glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre » et prévoit dans son article 5 que « des subventions seront accordées par l’État aux communes, en proportion de l’effort et des sacrifices qu’elles feront, en vue de glorifier les héros morts pour la patrie ».
Les communes vont se lancer dans une sorte de course contre le temps afin d’ériger le plus tôt possible leur monument. C’est ce qui transparaît dans l’article du Journal du Commerce de septembre 1922 au sujet du monument d’Ansigny : « La petite commune d’Ansigny, si cruellement éprouvée par la guerre n’a pas voulu rester en retard sur les autres communes, elle a fait élever dans son cimetière un beau monument ». Ainsi, avant le milieu des années 20, la plupart des monuments de nos villages vont être édifié.

Le monument aux morts d'Ansigny (archive Kronos)
Le monument aux morts d’Ansigny (archive Kronos)

Mognard inaugure son monument début novembre 1919, suivront tout au long de l’année 1922 les communes de Saint-Félix, La Biolle, Ansigny et pas seulement, Cessens terminant la séquence en juin 1924. Les villes vont édifier un monument plus tardivement, en 1926 pour Annecy et en 1929 pour Rumilly.

Dessin paru dans le Journal du Commerce
Dessin paru dans le Journal du Commerce

Une importante phase de construction qui pose la question du financement. Si l’édification des monuments associe étroitement les citoyens, les municipalités et l’État, on va voir que les communes n’ont pas attendu la loi d’octobre 1919 pour entreprendre leurs premières démarches.
Tel est le cas d’Épersy où, au cours de la séance du conseil municipal, le 6 août 1916, est votée une subvention de 40F pour « parfaire la somme nécessaire à l’érection de ce pieux hommage à nos héros ». La lecture du registre des délibérations révèle aussi la forte implication du conseil d’administration de la fruitière ainsi que celle d’un comité du monument aux morts pour la France qui semble s’être récemment créé. C’est lui qui, sous la houlette de son trésorier, a organisé une souscription dans la commune. Cette approche par les archives locales donne bien à voir le caractère municipal et citoyen de ces premiers financements. La collecte de fonds par souscription ne suffisant pas, c’est la commune qui vote « à l’unanimité des membres présents la somme de quarante francs sur les fonds libres de l’exercice 1916 pour l’érection du glorieux monument projeté ».
Nous retrouvons cette voie de financement dans bien d’autres communes comme à Mognard où l’article du Journal du Commerce rappelle au moment de l’inauguration en 1919 « que le monument fut élevé grâce à une souscription ouverte par le regretté M. Laubé et continuée par de dévoués quêteurs auxquels nous adressons nos remerciements ». Parfois le nom d’une personne est mis en avant. S’agit-il d’un généreux ou généreuse « mécène » ou seulement d’un concepteur ? Comment comprendre les félicitations adressées par la commune de Cessens à « Mme veuve Guicherd, de Rumilly » pour avoir conçu et exécuté le monument.

Le monument aux morts jouxte l'église de Cessens (archive Kronos)
Le monument aux morts jouxte l’église de Cessens (archive Kronos)

Il ne faudrait pas croire que les initiatives citoyennes ont été à elles seules capables de résoudre la question financière. Dès 1920, ce sont des commissions spéciales qui se mettent en place pour monter des financements complexes surtout quand le projet est assez monumental.
Les archives départementales de la Savoie se révèlent être d’une importance capitale pour suivre les différentes étapes de ces financements. « La commission spéciale qui sera chargée sous la présidence de M. le maire d’élever le monument » est mise en place pour Albens lors du conseil municipal de janvier 1920. Dans la même délibération on apprend qu’une souscription est immédiatement ouverte dont devront se charger « chaque conseiller municipal dans son hameau respectif ». Les séances suivantes nous font connaître le prix du monument. Le devis estimatif d’un montant de 15 000F est retenu lors de la délibération du mois de mai avant approbation définitive le 12 juin 1921. C’est l’offre de M. Cochet fils, sculpteur en Isère qui sera retenu pour le beau projet ainsi décrit : « Monument commémoratif aux morts de la grande guerre, en pierre de Porcieu Amblagnieu, parements passés à la fine boucharde, arêtes ciselées et polies, poilu de la même pierre, inscription de face en saillie, inscriptions des morts sur plaques polies, conforme au plan annexé… ».
Pour réunir cette importante somme on va avoir recours à un crédit, à une souscription et enfin à la subvention de l’État.
Le vote d’un crédit de 8000F est acquis dès janvier 1920, « inscrit au prochain budget et réalisé au moyen d’un emprunt ».
C’est ce montant de crédit qui va permettre à la commune de calculer le montant de la subvention qu’elle est en droit de demander à l’État. Prenant en compte les barèmes fixés par la loi de finances de juillet 1920 (nombre de tués de la commune, crédit de 8000F…) la commune d’Albens obtiendra la somme dérisoire de 1360F couvrant 9% de la dépense totale.
Aussi, comme pour la plupart des communes de France, c’est l’appel à souscription qui fournira l’essentiel du reste de la somme. Cet effort est salué dans la presse qui publie en juin 1920 les noms des trois cent dix premiers souscripteurs d’Albens (liste dans quatre numéros du Journal du Commerce de Rumilly). On y retrouve toutes les professions, toutes les situations familiales (chefs de famille, célibataires, veuves et veufs de guerre) qui donnent selon leurs moyens 2F pour les plus modestes et jusqu’à 250 et même 500F pour les plus fortunés. En l’espace d’un an, cet élan unanime permet de rassembler 6261F soit 42% du prix du monument.
Ainsi, par le recours au crédit, par l’effort citoyen de la souscription et par l’aide mesurée de l’Éat, les 15 000F parviennent à être rassemblés à l’été 1921. Rien ne freine désormais la construction du monument qui est inauguré dans le nouveau cimetière à la Toussaint 1921.
Aujourd’hui, ces monuments sont en passe d’être des « centenaires ». Les deuils qu’ils matérialisaient se sont éloignés. Il reste la fonction mémorielle. Souhaitons qu’elle ne s’affaiblisse pas en souvenir de tous ces efforts consentis par les femmes et les hommes qui nous ont précédés.

Jean-Louis Hébrard

Conférence – Joseph VACHER, éventreur des bergers au XIXème siècle : une odyssée sanglante

Kronos et la Société d’Art et d’Histoire d’Aix-les-Bains vous invitent à la conférence :

Joseph Vacher, éventreur des bergers au XIXème siècle : une odyssée sanglante

Par M. Jacques Dallest, Procureur Général près la cour d’appel de Grenoble

Document résumé de la conférence (avec l’aimable autorisation de M. Dallest)

Assassinat de la veuve Morand à Saint-Ours (Le Progrès Illustré)
Assassinat de la veuve Morand à Saint-Ours (Le Progrès Illustré)

Elle aura lieu le mardi 12 février à 20h45, au cinéma le Victoria à Aix-les-Bains.
Entrée libre, venez nombreux !

Joseph Vacher, un tueur en série de la Belle Époque

À la fin du XIXème siècle, un vagabond terrorise les campagnes du sud-est de la France, mutilant, violant et égorgeant de jeunes bergers qu’il agresse sauvagement.
Passionné par cette affaire hors du commun, un juge d’instruction de Belley entretient un colloque singulier avec l’assassin. Le film le juge et l’assassin de Bertrand Tavernier fait magnifiquement revivre le duel étonnant auquel se livrent ces protagonistes.
Jacques Dallest, ancien juge d’instruction, aujourd’hui procureur général à Grenoble, présente cette aventure judiciaire sans pareil.

Conférence par le peintre WANG Zhiping et visite commentée de l’espace patrimoine

L’association Kronos vous convie le Lundi 28 janvier 2019 de 14h à 17h30
À l’Espace Patrimoine, rue du Mont-Blanc à Albens

pour la visite commentée sur le passé antique de la région par Jean-Louis Hébrard, à l’occasion de la venue d’étudiants chinois de passage à Aix-les-Bains. Le groupe sera accompagné du photographe et peintre WANG Zhiping très connu en Chine et en France. Il fera une conférence et une vidéo projection de ses œuvres.

Wang Zhiping
Wang Zhiping

M. WANG a été élu en 2009 l’un des meilleurs photographes chinois par le magazine Pixel. Il a fait plusieurs expositions, dont une à Marseille en 2017.
Cette rencontre exceptionnelle est ouverte à tout public.
L’entrée est libre et gratuite.