Tous les articles par kronos

Assemblée Générale 2021

Kronos vous invite à son Assemblée Générale, qui aura lieu le vendredi 1er octobre 2021, à la salle des fêtes L’Ébène de la Biolle, à 20h.

En seconde partie de soirée sera projeté le film Le Royaume partagé ou l’histoire des États de Savoie, en compagnie de Claude Mégevand, co-fondateur et président de la société d’histoire la Salévienne.

Entrée libre sous réserve de passe sanitaire, preuve de vaccination ou test PCR négatif de moins de 72 heures.

Venez nombreux !

AG 2021

Du besoin de surveillance… ou la nomination des gardes champêtres

21 septembre 1792 :
La Convention succède à l’Assemblée législative et proclame, sur proposition du député Grégoire, la République.

Très vite Girondins et Montagnards s’affrontent, s’entre-déchirent, le ton monte entre les deux partis. Danton, craignant que ces attaques multiples et de plus en plus violentes ne nuisent à la République, propose une alliance aux Girondins qui la refusent malgré les réticences de Condorcet et Vergniaud. C’est l’escalade. Le 2 juin 1793, les Girondins sont expulsés de l’Assemblée.

Les Montagnards réorganisent le Comité de Salut Public et le tribunal révolutionnaire.

L’époque est terrible. La Convention doit faire face à la coalition européenne, à la révolte de le Vendée, à l’insurrection menée en Province par les Girondins prescrits à Paris.

Le 5 septembre 1795, Barère s’écrie « Plaçons la Terreur à l’ordre du jour. »

Le 17 septembre paraît la « loi des suspects ». Le tribunal révolutionnaire condamne vigoureusement aristocrates et Girondins, juge avec sévérité toute personne soupçonnée d’hostilité envers la République.

gardechampetre1

An II de la République Française, des mésententes surviennent entre Montagnards ; Robespierre devenu tout-puissant évince les révolutionnaires « exagérés » puis les « modérés ». La Terreur est à son apogée.

Danton est guillotiné le 5 avril 1794, Condorcet s’empoisonne le 9 du même mois. Robespierre fait voter la loi du 22 prairial (10 juin 1794) qui renforce les pouvoirs du tribunal révolutionnaire. À Fleurus, les armées de la Révolution remportent la victoire (16 au 26 juin 1794).

gardechampetre2

À Saint-Girod, que se passe-t-il ? Entre les recrutements, les séquestrations des biens, les réquisitions des produits agricoles et des chevaux, la lecture des archives nous apprend que…

« Égalité, Liberté

L’An second de la République Française une, indivisible et démocratique, le vint neuf de prairial (17 juin 1794) à dix heures du matin, à Saint-Girod, dans la maison du secrétaire de la commune, le Conseil Général assemblé sous la présidence du citoïen Maire, assisté du citoïen Etienne Boissat choisi pour faire les fonctions de l’agent national provisoire absent, en éxécution de l’article premier de la section septième du décrêt du second septembre mil sept cent nonnante un, concernant les biens en usages ruraux et la police rurale, a unanimement nommé, ouï le dit Etienne Boissat en sa qualité, les citoïens Joseph fils de feu Joseph Berlioz du hameau de Marcellaz, Claude fils de Jean Louis Jacquin du hameau du chef-lieu, Claude fils d’Antoine Vibert du hameau de Vilette et Joseph fils de Jean-Claude Ducrêt du hameau de Chambéraz, gardes champêtres, pour veiller chacun dans l’arrondissement de la Commune qui lui sera fixé, à la conservation des bois, broussailles, châtaigneraies, champs, prés, marais, vignes, de toutes espèces de récoltes existantes sur les dits fonds et autres propriétés qui sont sous la foi publique, à charge de se faire recevoir par le citoïen juge de paix de ce canton et de justifier dans le terme de quatre jours d’avoir prêté le serment prescrit… »

La répartition des tâches se faisant comme indiqué sur la carte.
gardechampetre_carte_st_girod

« … bien entendu que chaque arrondissement assigné aux dits gardes champêtres s’étendra du levant au couchant jusqu’aux possessions des communes voisines… Le gage de chacun des dits gardes champêtres a été fixé par le Conseil Général à la somme de cent livres par an… »

Les quatre gardes champêtres nommés n’ayant pas satisfait au devoir qui leur était prescrit de se présenter devant le juge de paix et vu :

« … ce devoir d’autant plus urgent que la récolte en bled et les dégâts qui se font journellement dans les bois de la commune, exigent la surveillance la plus prompte… »

Le Conseil Général mandé par devers lui, le onze de messidor (29 juin)

« … les dits citoïens pour les interroger sur les motifs de leur coupable insouciance, et les citoïens Joseph Berlioz et Claude Vibert ayant comparu ont déclaré ne vouloir accepter l’emploi de gardes champêtres sans autre allégation, quant au dit Berlioz que défaut de volonté, et le dit Vibert a donné pour raison de son refus que des particuliers ont dit qu’ils feraient leur possible pour engager les gardes champêtres à une grande responsabilité, et s’est pourtant obstiné, au mépris des interrogates qui lui ont été faits, à taire les noms des auteurs de pareilles jactances. Sur quoi le dit Conseil arrête, ouï le citoïen Boissat en sa qualité, qu’extrait du procès-verbal de la nomination des dits gardes champêtres sera transmis à l’administration du District de Chambéri et qu’en temps il sera demandé à la dite administration les secours nécessaires pour contraindre ces citoïens réticents à l’obéissance aux lois rurales, ou pourvoir avec efficacité à leur remplacement par les moïens les plus expéditifs. »

La réponse ne se fait pas attendre. Une semaine plus tard les administrateurs du district envoient à la municipalité la missive suivante :

« Égalité, Liberté, Fraternité ou la Mort

Chambéry, le 19 messidor (8 juillet 1794)
An II de la république Française une et indivisible

Citoyens,

L’administration du district a reçu votre procès-verbal du 11 messidor par lequel vous dénoncez les nommés Joseph Berlioz, Claude Jacquin, Claude Vibert et Joseph Ducrêt de votre commune qui ont refusé d’accepter la charge de garde champêtre que vous leur avez confiée. Ce refus annonce que les individus ne sont pas animés de l’amour de la chose publique. Comment est-il possible qu’il puisse exister des hommes assez lâches et assez insensibles au bonheur de leurs concitoyens pour ne pas s’employer de conserver au peuple la subsistance en surveillant sans cesse les malveillans ou les voleurs qui chercheraient à la lui ravir. Faites donc appeler ces individus à votre bure et dites-leur que les citoyens doivent employer tous leurs moments et toute leur existence au service de la République, que tandis que nos frères versent leur sang aux frontières pour empêcher que les satellites des tyrans ne viennent dévaster et brûler nos récoltes, nous devons les conserver contre les attentats des ennemis de l’intérieur ; assurez-leur surtout que s’ils persistent dans leur désobéissance égoïste, ils seront inscrits sur le livre honteux des hommes suspects et qu’ils seront traités comme tels.
Nous vous invitons en outre à prendre des renseignements sur les propos qu’ont tenus quelques individus, qu’ils feraient leur possible pour engager les gardes champêtres à une grande responsabilité : il paraît par-là que l’on avait l’intention de les décourager pour commettre plus sûrement des dégats. Vous aurez soin de lire notre lettre aux quatre individus dont s’agit et à nous informer quel en a été l’effet.

Salut et Fraternité

Les administrateurs du District Delabeye et Gabet. »

gardechampetre3

Le second thermidor (20 juillet 1794), le Conseil Général se réunit et fait paraître par devers lui les quatre citoyens susnommés, leur lit la lettre du district et les :

« … a interpellé de répondre s’ils persistent ou non au refus de la charge de garde champêtre qui leur a été confiée dans la séance du Conseil Général du 29 prairial dernier ; sur laquelle interpellation les dits citoïens Berlioz, Jacquin et Vibert de leur chef et le dit Ducrêt père au nom de Joseph son fils, l’un des dits gardes champêtres, ont unanimement déclaré qu’ils sont prêts d’entrer dans l’exercice de la dite charge, en tant que l’on fera cesser les jactances des malveillans et qu’il leur sera accordé une augmentation de gage, vu les grandes difficultés qu’il y aura à surveiller la récolte des bois, châtaigniers et des vignes, la commune se trouvant toute entrecoupée du levant au couchant de plusieurs ruisseaux bordés de hautes rives d’un accès très difficile à cause des avalanches qui y sont occasionnées par la coupe prématurée et l’enlèvement des bois… »

Le Conseil Général de la commune décide de se revoir pour discuter de l’augmentation des gages des quatre gardes champêtres, recommande à ces derniers de se présenter devant le juge de paix et arrête :

«  1° – que des renseignements seront pris sur les propos tendant à décourager les dits gardes champêtres ; et que pour y parvenir, tous les citoïens de la commune seront invités à faire devant le Maire, ou le Corps Municipal, la déclaration de tout ce qu’ils auront ouï à cet égard ;
2° – que l’extrait du présent procès-verbal sera transmis à l’administration du District pour l’informer de l’effet de la dite lettre. »

Il semblerait que l’avis à tous les citoyens d’être tenu de dénoncer les « malveillans » ait été entendu puisque, le 4 thermidor (22 juillet 1794) la Municipalité :

« … ouÏ la déclaration du citoïen Jean Boissat, relativement aux jactances des malveillans qui ont cherché à avilir la charge de garde champêtre, lequel a affirmé sous la foi du serment républicain, que le onze du mois proche passé, le citoïen Joseph Duclos habitant de la commune d’Albens, acensataire de la ferme dite chez Ribitel située rière cette commune, étant à souper chez le déposant s’avisa de tenir plusieurs propos injurieux contre la charge de garde champêtre et dit entr’autres choses qu’il ne pouvait y avoir que de foutus coquins qui acceptassent cette place, que la municipalité de cette commune n’était pas en règle d’avoir procédé à une telle nomination ; que la première fois qu’il verrait un garde champêtre en fonction, il lui tirerai un coup de fusil, il se vanta aussi d’avoir été du nombre des individus qui ont empêché l’élection du garde champêtre que l’on voulait établir au dit Albens lieu de son domicile. Le dit citoïen Claude Perrotin pour témoin du contenu en sa présente déposition… »

gardechampetre4

Bien entendu, l’extrait du procès-verbal sera envoyé au District de Chambéry.

À Paris, Robespierre fait lire par Saint-Just, le 9 thermidor (27 juillet 1794), un rapport où il réclame une plus grande répression. Cette lecture est accueillie par les cris de « À bas le Tyran ! ». Tallien prend violemment à parti Robespierre. Le 10 thermidor, Robespierre est exécuté avec plusieurs de ses amis. La période de « La Terreur » s’achève.

À Saint-Girod, peu après, arrive la réponse du District.

« Chambéry, le 14 thermidor de l’an II de la
République une, indivisible et démocratique

Citoyens Maire et Officiers Municipaux,

Nous avons reçu votre procès-verbal du quatre thermidor contenant les informations que vous avez prises relativement aux activités des malveillans qui ont cherché à avilir les charges de gardes champêtres. La dénonciation du citoyen Jean Boissat ne suffit pas à punir le nommé Joseph Duclos qui a tenu les propos dont il est question, il faut encore un témoin ou deux ; selon le rapport du Boissat, il paraît que Duclos est un homme à surveiller, il faut qu’il soit animé de l’esprit du désordre, de la licence et du mépris des lois pour avoir osé tenir les propos qui sont contenus dans votre procès-verbal. Nous vous invitons donc à prendre de nouvelles informations tant sur les menaces qu’il a manifestées contre quiconque accepterait l’honorable place de garde champêtre que sur ses vie, moeurs et opinions politiques. Vous aurez soin de nous transmettre le plutôt possible le résultat de vos opérations que vous joindrez… »

De nouveau le Conseil Municipal se réunit le 20 thermidor (7 août 1794) et procède :
« … à l’audition du citoïen Claude fils de feu Claude Perrotin natif de la Bussière, Département de l’Isère, indiqué par le citoïen Jean Boissat dans sa déposition du quatre de ce mois, comme témoin des jactances faites et propos tenus le onze du mois proche passé par le citoïen Joseph Duclos dans la maison du dit citoïen Jean Boissat, lequel témoin habitant de la présente commune, âgé de trente six ans, a dit n’être point parent, allié, créancier, débiteur ni aux gages du citoïen Duclos et a déclaré avec serment prêté sur son civisme et conscience et sur le respect qui est dû à l’Etre Suprême, qu’un jour du mois dernier, sans se souvenir du quantième, le dit citoïen Joseph Duclos natif et habitant d’Albens, ascensataire de l’une des fermes provenant de l’émigré Morand, étant à souper chez le citoïen Jean Boissat avec ce dernier et lui déposant, il s’avisa de dire, en parlant des gardes champêtres que l’on avait nommés, à Saint-Girod, qu’il n’y avait que de la canaille et des gens méprisables qui voulussent accepter cette charge ; que la municipalité qui avait nommé à une telle place n’était pas en règle, que lui Joseph Duclos avec deux ou trois autres individus étaient bien venus à bout d’empêcher la Municipalité d’Albens de faire de semblables nominations ; il proféra bien d’autres paroles injurieuses aux fonctions de garde champêtre, mais je ne m’en rappelle pas et n’ai rien à dire de plus à ce sujet, sauf que j’observe que le dit citoïen Duclos était pris de vin et que même il se connaissait déjà d’avoir bu quand il arriva pour souper… »

La Municipalité déclare les informations closes pour ce chef, quant aux informations sur le citoyen Duclos, elle considère que sa résidence étant à Albens :

« … l’on ne pourrait obtenir à son égard que des renseignements bien imparfaits de la part des habitants de Saint-Girod, arrête que sous l’autorisation du Directoire du District, réquisitions seront faites à la Municipalité d’Albens de procéder incessamment aux informations requises… »

gardechampetre5

Les archives compulsées ne révèlent rien de plus sur cette « affaire » ni sur ses protagonistes.

Cependant, dans un compte-rendu du six ventose (25 février 1795) nous apprenons que ledit Duclos est toujours acensataire des biens du ci-devant Morand, qu’il a deux ménages à tenir l’un de quatre personnes et l’autre de six individus, outre les ouvriers de la ferme ci-devant Morand, qu’il est aubergiste et qu’il adresse une pétition pour n’avoir pas à payer le cens en nature dont il est débiteur car les chevaux des charrois militaires ont consommé une quantité considérable de foin, paille, etc…

Il semblerait donc que les propos tenus par lui n’entraînèrent pas de conséquences néfastes. Peut-on en déduire qu’en milieu rural les répressions furent moins outrancières et le bon sens plus développé… ou faut-il penser que la fin de la « Terreur » survenue pendant le déroulement de l’affaire apaisât les esprits ?

Quant à nos quatre gardes champêtres, nous apprenons par le procès-verbal du 29 thermidor, an III, que Claude Jacquin et Pierre Millieret fils d’Etienne, tous deux :

« … domiciliés dans la présente commune, dont la probité, le zèle et le patriotisme sont généralement reconnus, pour être nommés par l’administration du district gardes champêtres rière cette commune où la quantité de bois, châtaigniers, broussailles et autres, et les grandes Crâses pratiquées par les divers ruisseaux qui traversent la commune établissent la nécessité d’avoir au moins deux gardes champêtres, l’un desquels aurait à surveiller tous les territoires dès Saint-Félix jusqu’au torrent de Gorzy et l’autre tout le surplus de dépendances du dit Saint-Girod dès le torrent susdit jusqu’à Mognard. Le Conseil Général arrête de plus déclarer qu’il est d’avis que le traitement des dits gardes champêtres soit porté à la somme de deux cents livres chacun… »

Deux gardes champêtres en lieu et place de quatre… Déjà la suppression du personnel.
L’ère moderne est en marche…

gardechampetre6

Monique Ernould
Article initialement paru dans Kronos N° 4, 1989

Les dessins illustrant le texte ont été relevés sur des faïences en provenance des manufactures d’Aire-sur-la-Lys (62), Ancy-le-Franc (89) et Vausse (89) et diverses gravures exécutées à l’époque révolutionnaire.

Quand les Albanais décidèrent de devenir Français

Octobre 1792 – Vendémiaire an I

Les documents communiqués ci-après sont les procès-verbaux des réunions qui se tinrent à Saint-Ours, Saint-Germain et La Biolle les 10 et 13 Octobre 1792(1).

Au même moment, dans toute la Savoie, des assemblées communales semblables se réuniront pour élire leurs députés à l’Assemblée des Allobroges.

Voyons donc ce qui se passe à Saint-Germain.

PV de réunion en 1792 à Saint-Germain
PV de réunion en 1792 à Saint-Germain

À Saint-Germain, ce samedi 13 octobre 1792, les hommes réunis dans l’église paroissiale ont choisi Antoine Monard pour les représenter (Jean Benoît Braissand et Germain Bernard sont les suppléants). Antoine est un laboureur, c’est-à-dire un propriétaire aisé et instruit (il signe en toutes lettres).

Il se rendra dans huit jours à Chambéry ; là, le dimanche 21 octobre à deux heures de l’après-midi il retrouvera les 660 autres députés et se prononcera pour l’adoption de la Savoie « pour partie intégrante de la République Française ».

Cinq cent soixante-huit communes tirent de même, aucune ne réclame le maintien de l’union au Piémont ; seules trois communes (Le Biot, Pesey, Ontex) envisagèrent une république indépendante allobrogique.

Qui eut l’initiative de réunir cette Assemblée ?

Les Français de Montesquieu, entrés en Savoie le 21 Septembre ? Les Jacobins chambériens regroupés par Doppet à la veille de l’arrivée des français dans un club des Amis de la Liberté et de l’Égalité ?

Il semble qu’à Saint-Germain ce club ait eu un rôle moteur, puisque la réunion est provoquée par le citoyen Devaux membre de la Société des Amis de la Liberté, séante à Chambéry.

L’enthousiasme est évident, la reconnaissance envers la Convention Nationale aussi (c’est elle qui a voulu laisser les habitants libres de décider de leur devenir).

Le curé de Saint-Germain, Pétel, partage la joie de ses paroissiens. C’est alors l’attitude d’une bonne partie du clergé de Savoie… Une semaine plus tard, Monseigneur Conseil et ses chanoines rendront visite à l’Assemblée des Allobroges et célèbreront un office pour elle.

L’unanimité semble régner alors.

Examinons la situation à La Biolle, le même jour, 13 octobre 1792.

PV de réunion en 1792 à La Biolle
PV de réunion en 1792 à La Biolle.

Ici aussi le rôle du citoyen Devaux, commissaire suppléant, et de la Société des Amis de la Liberté, est évident.
Il a certainement amené un modèle de procès-verbal car on retrouve la même construction et les mêmes formules qu’à Saint-Germain.
À noter également la présence du curé Riouttard.

Mais ce qui retient l’attention, c’est la profession des élus.

– un propriétaire aisé, Louis Marie Bouquin, désigné suppléant, mais qui ne signe pas.

– un homme de loi, Sieur Joseph Marie Dimier ; remarquez sa signature : elle dénote d’une grande maîtrise de l’écrit. Ne soyez pas surpris par une telle présence dans le village ; La Biolle est alors à la tête d’un mandement qui deviendra Canton quelques mois plus tard, lorsque la Savoie sera devenue département français.

Joseph Marie Dimier devait jouer le rôle de secrétaire de la Communauté, son influence semble manifeste, on le qualifie de Sieur.

Très souvent, écrit A. Palluel « les villageois choisirent les secrétaires de communautés qui avaient déjà le pouvoir local de fait, d’où une énorme majorité de petits robins assez frottés de pouvoir ».

Bref, c’est dans une assemblée de petits notables, d’avocats, hommes de loi, médecins, propriétaires que Joseph Marie Dimier se retrouvera, une semaine plus tard. Le petit peuple s’est toujours laissé impressionner par les notables, beaux parleurs ; il est des constantes… dans l’histoire !

Au demeurant, ces notables vont accomplir durant la brève existence de l’Assemblée (21-29 octobre 1792) un gros travail de liquidation du passé.
Toutes les lois françaises devinrent applicables en Savoie et les députés votèrent l’abolition de la royauté et le rattachement à la France.
Les biens de l’Église furent mis au service de la nation et ceux des émigrés furent confisqués.
On édicta également la suppression de la noblesse, de la dîme et des droits féodaux, en cours de rachat depuis 1771. La constitution civile du clergé entre en vigueur.

Mais revenons une dernière fois dans l’Albanais, le mercredi 10 octobre 1792, onze heures du matin à Saint-Ours.

PV de réunion en 1792 à Saint-Ours
PV de réunion en 1792 à Saint-Ours

La séance est un peu différente à Saint-Ours : le texte qui la relate, rédigé par Vulliet, secrétaire de la communauté, est plus court.

Le niveau d’instruction semble plus faible ; aucun des citoyens élus ne signe et le président, Joseph Rey (choisi comme étant le plus ancien) doit faire authentifier sa marque.
Claude François Rebresson a été choisi pour député, Pierre Forest et Jacques Mathieu pour « excusants ». On ne dit rien du mode d’élection, mais on sait par ailleurs qu’il était effectué par acclamation.
Ce sont ces citoyens qui, dix jours plus tard, à Chambéry, chargeront une délégation conduite par Doppet et Simond (prêtre né à Rumilly, ayant un rôle actif dans l’introduction des idées révolutionnaires en Savoie), de se rendre à Paris pour demander officiellement à la Convention la réunion à la France.

Réunion qui fut décidée le 27 novembre 1792, au milieu d’un enthousiasme extraordinaire ; vous en jugerez à partir de cet extrait d’un journal parisien, « Républicain ».

« Un second député des Allobroges témoigne de la joie que la réunion de la Savoie à la France va répandre dans son pays.

Le président : Vous venez d’entendre les vives acclamations que cette réunion a excitées dans le temple de la loi. Une union universelle, voilà la gloire de cette heureuse journée. Déjà la nature avait décrété la réunion de la France et de la Savoie. L’Assemblée vient de la décréter comme la nature ; et le seul trône qui existera encore entr’elle, sera celui de la liberté, qui, placé sur le Mont-Blanc, dominera sur la France, la Savoie, et tous les peuples libres de l’Univers. »

Journal « Républicain »
Paris, novembre 1792

En fait, Doppet et Simond ne reçurent pas à Paris un accueil unanimement chaleureux.
Arrivés à Paris le 2 novembre, les députés Allobroges ne furent admis à la Convention que le 11. Il leur avait fallu entre temps persuader les sceptiques et les prudents de la Convention.
Un discours habile de l’Abbé Grégoire, Président de la Convention, fut nécessaire pour que la réunion soit décidée « provisoirement » le 27 novembre ; ce que, écrit A. Palluel « on se gardera bien de souligner aux Savoyards, préférant insister sur l’émotion et la joie des Conventionnels ».(2)

Désormais la Savoie sera associée aux destinées de la France pour plus de vingt-trois ans (1792-1815). Elle devenait le 84ème département de la République sous le nom de département du Mont-Blanc.
En décembre 1792, la Convention envoie quatre commissaires, dont Simond et Hérault de Séchelles, pour organiser la Savoie.

Carte du département du Mont-Blanc en 1793
Carte du département du Mont-Blanc en 1793.

Chambéry devient chef-lieu de département ; ce dernier est divisé en sept districts qui reproduisent à peu près les anciennes provinces.

Ce sont ceux de Thonon (ancien Chablais), Carouge, Cluses (ancien Faucigny), Annecy (ancien Genevois), Chambéry (ancienne Savoie Propre), Moûtiers (ancienne Tarentaise) et Saint-Jean-de-Maurienne (ancienne Maurienne). Le département gardera cette forme jusqu’en 1798, date de la création du département du Léman.

Passées l’euphorie et la relative tranquillité de l’hiver 1792-1793, la Savoie allait se retrouver plongée dans la tourmente révolutionnaire, la guerre avec les monarchies, la terreur, les soulèvements internes ; mais toujours la signification profonde du rattachement à la France resta dans les esprits.

Le procès-verbal de la fête civique qui se déroula à Chambéry en novembre 1793 en témoigne (texte original page suivante).

Tout en conservant ses caractères propres, le peuple savoyard manifeste son inclination pour la France républicaine : « nos rivières même nous indiquaient le cours de nos penchants vers elle »…
Voilà qui annonce l’état d’esprit qui sera celui des savoyards en 1860 :

« Foi dans le progrès qui, pour s’épanouir, requiert la liberté. »

Jean-Louis Hebrard
Article initialement paru dans Kronos N° 4, 1989

Bibliographie sommaire

  • La Savoie de 1792 à 1815 : documents publiés par la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie.
  • Paul Guichonnet – Histoire de Savoie 1960 – Gardet Editeur
    Histoire de la Savoie – Vol. III et IV Ed. Ouest France.

 

1) Archives Départementale de Savoie – Série L 304. Pour Albens, le compte-rendu est introuvable. Il existe pour Saint-Offenge, Grésy-sur-Aix, Rumilly.
2) La Savoie de la Révolution a nos jours. XIXème – XXème siècle Bd. Ouest France

Procès-verbal de la fête civique à Chambéry
Procès-verbal de la fête civique à Chambéry

Kronos va à l’école « l’Albanaise » – suite

L’association Kronos peut intervenir dans les écoles d’Entrelacs à la demande des enseignants. Ce fut le cas durant deux après-midi du lundi pour les classes de CE2, CM1 et CM2 de Fanny Tona, la directrice de l’Albanaise, et de ses collègues Véronique Perrel et Émilie Rotat.

albanaise

C’est un des thèmes au programme d’histoire, la Grande Guerre, qui était abordé avec les classes. Une présentation d’objets des poilus (casques, décoration, gourde, masque à gaz, douille d’obus, lettres et journaux) retint d’abord l’attention des enfants qui réinvestirent ce qu’ils avaient préparé avec leurs professeurs.

albanaise_grandeguerre

La vie des hommes, des femmes et des enfants de l’Albanais fut ensuite présentée à travers un « power point » riche en exemples locaux telle la rédaction d’un élève de Saint-Félix décrivant la façon dont il avait vécu la mobilisation générale d’août 1914. L’association se félicite de l’intérêt que l’équipe éducative et les élèves portent à ces séances. Rendez-vous a été pris pour la rentrée prochaine.
Pour connaître les thèmes que l’association est en mesure de proposer, il suffit de nous contacter via le site www.kronos-albanais.org.

Kronos va à l’école « l’Albanaise »

C’est dans les classes de CP et CE1 de M-F. Eynard et C. Moggi que l’association Kronos s’est rendue ces derniers jours pour faire ensemble de « l’histoire à reculons ». À partir de montages numériques, les élèves ont pu remonter le cours de l’histoire locale jusqu’au début du XXème siècle. Photographies et cartes postales étaient mises à contribution pour voir les transformations de la grande rue qui traverse Albens. Partant de l’axe très fréquenté que les élèves connaissent bien, nous sommes passés aux temps plus calmes des grands-parents avec peu de voitures jusqu’au carrefour des années 1920 qui servait de place pour le marché hebdomadaire.

La place centrale
La place centrale

Une seconde séance a été consacrée à l’histoire des écoles d’Albens sur la même période.
Il fut question du temps de l’écriture à l’encre, des porte-plumes et des buvards, du tableau noir et de la belle écriture mais aussi du célèbre certificat d’études primaires que l’on passait quand on quittait l’école à treize/quatorze ans. Une belle carte postale du photographe E. Reynaud montrant les écoles vers 1910 clôturait ce voyage dans les temps anciens.

Le groupe scolaire
Le groupe scolaire

À la demande des enseignants, l’association Kronos peut intervenir dans les classes sur des sujets variés (archéologie, château de Montfalcon, Napoléon, Grande guerre et Guerre 1939-1945, la vie autrefois…). Il suffit de nous contacter en se connectant sur notre site www.kronos-albanais.org et de prendre rendez-vous.

La revue n° 36 est sortie !

Malgré les conditions sanitaires, Kronos est au rendez-vous pour la 36ème année consécutive, avec la nouvelle revue intégralement en couleurs.
Au programme :
Kronos_36

  • Un instituteur dans le siècle : le journal de Jean-Paul Pollier (1844-1933)
  • Jean Moulin a-t-il séjourné à La Biolle ?
  • Une famille de l’Albanais : les Emonet de Cessens – 2nde partie
  • La culture du tabac
  • Les 130 ans de l’Opinel
  • Joseph Bossu et Claudine Genoulaz : émigration en Argentine
  • Notre-Dame-du-Grand-Retour parcourt l’Albanais en 1946
  • Les 150 ans du Journal du Commerce

Vous pouvez la retrouver dans les points de vente suivant :

  • Maison de la presse à Albens (Entrelacs)
  • Maison de la presse à La Biolle
  • Maison de la presse à Saint-Félix
  • Maison de la presse à Gruffy
  • Boulangerie Challe à Bloye
  • Carrefour Market de Grésy sur Aix
  • Hyper U de Rumilly
  • Espace Leclerc de Drumettaz

Bonne lecture !

Des nouvelles de Kronos

Malgré les contraintes que nous connaissons tous, l’association KRONOS est restée et reste active :

• Sur internet avec son site www.kronos-albanais.org
• À travers des articles paraissant dans l’Hebdo des Savoie
• Et très prochainement la parution de la revue annuelle forte de quarante pages et en couleur.

Si vous souhaitez nous soutenir, n’hésitez pas à adhérer !

Collectionner et connaître le monde

Collectionner timbres et images est un véritable plaisir pour les enfants de la IVème république. Les marques de chocolat, Kholer, Menier, Poulain proposent de belles images que l’on est invité à coller dans un album. Tout comme les timbres, elles sont pour les enfants d’alors des fenêtres sur le monde, une occasion de voyager, de faire autrement qu’en classe de la géographie. Elles sont aussi, mine de rien, un moyen de se cultiver, dans un temps où l’image n’est pas aussi omniprésente qu’aujourd’hui.

Album d'images (collection privée)
Album d’images (collection privée)

Édité par Nestlé et Kholer, l’album « Les Merveilles du Monde » nécessite pour être complètement illustré de collecter dix images pour chacun des 21 chapitres qu’il comporte. Le dépaysement dans le temps et dans l’espace est garanti, faisant successivement découvrir les « Enfants de la Terre verte » (le Groënland) mais aussi ceux du « Mystérieux Orénoque » avant d’inviter le jeune collectionneur à participer à « L’épopée saharienne du pétrole ». Dans la France de 1956 qui est encore présente en Algérie et au Sahara, la mise en exploitation de ces nouveaux gisements pétroliers est un évènement d’importance.

Vignette Kholer et timbre de 1959 (collection privée)
Vignette Kholer et timbre de 1959 (collection privée)

Les dix images de ce chapitre héroïsent l’action des hommes travaillant dans le désert à la recherche des hydrocarbures. La vignette placée en tête est ainsi légendée « Un targui sur son méhari. À l’arrière-plan, une exploitation de pétrole au Sahara ». Un bleu intense colore la majeure partie de cette image rectangulaire (8cm de haut pour 5,5cm de large) tandis que le jaune évoque très conventionnellement le sable du désert. La modernité regarde avec bienveillance la tradition représentée par un « homme bleu » sur son dromadaire. Un pétrolier, casque de protection sur la tête, discute avec l’homme du désert. Derrière, ses compagnons s’activent énergiquement. Ces images sont conçues pour nous faire apprendre tout un vocabulaire spécifique : la torchère pour brûler les gaz, le derrick pour forer à l’aide d’un trépan jusqu’à l’oléoduc appelé aussi « pipe-line ». Ce n’est pas un hasard si l’action de ces hommes est mise en avant. En effet, le monde entre alors dans l’ère du pétrole, de l’or noir. C’est ce que célèbre aussi la poste française avec ce timbre édité en 1959. Tous les jeunes philatélistes d’alors sont à la recherche de ces images dentelées. Celui-ci met en évidence l’importance du gisement d’Hassi Messaoud d’une part et d’autre part le tracé du pipe-line qui a été construit pour acheminer le pétrole jusqu’au port de Bougie sur la côte algérienne. De discrets dromadaires rappellent que nous sommes en plein désert. La présence française en Algérie semble toujours assurée.
Collectionner les timbres était une passion largement partagées par les garçons.

Vignette Cémoi (collection privée)
Vignette Cémoi (collection privée)

Il fallait posséder le matériel de base : la pince, la loupe et l’album. Le chocolat Cémoi, une marque grenobloise, avait lancé une opération. Sa publicité expliquait que « Les établissements Cémoi insèrent désormais dans chaque tablette de chocolat un timbre de collection car ils connaissent l’engouement des jeunes pour la philatélie ». La marque mettait en avant tout le sérieux de l’opération, la collection étant « établie en collaboration avec Yvert et Tellier ». Elle assurait avoir l’assentiment des parents mais aussi du monde scolaire, n’hésitant pas à affirmer « Ce n’est pas par hasard si les élèves qui ont l’esprit ouvert collectionnent les timbres-postes ». Pour la somme modeste de cinq timbres à 0,25 francs, on pouvait recevoir un album de 2 000 cases, 800 clichés au beau format (23x27cm) intitulé « le Monde entier ». À l’ouverture de chaque tablette, c’était le suspens. Quel timbre allait-on trouver ? En provenance de quel pays ? L’avait-on déjà ? Par un ingénieux système de « points échange » on pouvait se débarrasser du doublon, faire évoluer sa collection.

Les timbres du chocolat Cémoi (collection privée)
Les timbres du chocolat Cémoi (collection privée)

Depuis la fin de la guerre, le monde est en plein bouleversement politique. Grâce à notre collection, nous devenons de véritables détectives pour parvenir à identifier certains états dont le nom n’est pas immédiatement compréhensible. À force, nous savons que Eire est le nom de l’Irlande, CCCP correspond à l’Union soviétique et Magyar Posta est l’appellation de la poste hongroise. Ces petites images recèlent de précieuses informations sur l’organisation du monde. Ouvriers métallurgistes, chimistes, ouvrières du textile ou paysannes sont les principales figures mise à l’honneur par les pays de l’Europe de l’Est satellites de l’Union soviétique. À l’opposé, l’Amérique s’affirme comme la patrie de la liberté en mettant en avant le portrait de Georges Washington ou la statue de Bartoldi éclairant le monde. Nous ignorons alors le terme de « guerre froide » mais identifions Mao Tse Toung le dirigeant de la Chine communiste. On connaît aussi le visage de la jeune reine d’Angleterre et découvrons qu’elle est aussi souveraine à l’autre bout du monde en Nouvelle-Zélande et en Australie. La carte de l’Inde n’a plus de mystère, un petit timbre nous en montre ses frontières du moment, bien avant que le Bangladesh ne s’en sépare.

Le cahier de géographie (collection privée)
Le cahier de géographie (collection privée)

À l’école, nos instituteurs recevaient des timbres oblitérés des nouvelles émissions de la Poste. Ils s’en servaient dans les cours d’histoire et de géographie pour faire passer de multiples connaissances. Nous étions invités à rapporter les timbres récupérés à la maison. Cela donnait lieu à un travail minutieux pour décoller le timbre de la carte postale ou de l’enveloppe. On utilisait la vapeur d’eau pour faire fondre la colle sans abimer la vignette. Ensuite venait le temps délicat du séchage à l’aide d’un buvard.
Ce temps des collections d’images ou de timbres semble aujourd’hui bien éloigné de notre société hyper connectée.

Jean-Louis Hebrard

Assemblée Générale 2020

Après deux reports, Kronos s’est résignée à tenir son Assemblée Générale à distance, par mail.
À l’unanimité, les membres de Kronos ont validé les bilans moraux et financiens, la liste du Conseil d’Administration, ainsi que les nouveaux statuts.

Merci pour cette confiance, et, espérons-le, à bientôt pour le retour de nos conférences !