Il devait faire beau temps ce dimanche 5 avril 1914, jour des Rameaux ; comme à leur habitude les habitants d’Albens se regroupent sur la place centrale où l’on discute par petits groupes.
Nous sommes sortis de l’hiver, les petites filles ont revêtu les robes claires et coiffé les chapeaux de paille qui les protègent si bien des ardeurs du soleil. Quelques femmes en robes longues et sombres circulent entre les groupes d’hommes qui semblent débattre tranquillement.
Parlent-ils des travaux des champs et des longues journées consacrées aux cultures, aux herbages et à la production du lait que l’on apporte quotidiennement dans les fruitières ?
N’abordent-ils pas plutôt les questions politiques ? Dans trois semaines les prochaines élections législatives vont avoir lieu. Le débat est vif, les républicains sont divisés, le parti réactionnaire et clérical encore puissant. Mis en ballottage au premier tour, le député républicain sortant Théodore Reinach sera nettement battu au second par un jeune candidat se définissant comme « nettement catholique et franchement républicain », Paul Proust.
Ce nouveau député, les électeurs du canton n’auront guère eu le temps de le connaître : mobilisé le 4 août 1914, sergent au 97ème de ligne, il tombera au combat le 24 octobre de la même année à Saint-Nicolas-les-Arras.
Avec cette carte postale réalisée quelques années plus tôt par le photographe chambérien Louis Grimal nous disposons d’une sorte de fenêtre ouverte sur les habitants d’un chef lieu de canton qui regroupe alors neuf communes et compte un peu plus de 1600 habitants.
Dans moins de cinq mois la première Guerre mondiale aura éclaté, les hommes seront partis défendre la patrie et sur la porte de la mairie on pourra encore voir l’affiche de la mobilisation générale.
Jean-Louis Hébrard
Article initialement paru dans l’Hebdo des Savoie